Présentation de la situation. A partir d’octobre 2004, la CBG a ajouté aux permis qui formaient sa concession forestière sous aménagement durable (CFAD) dénommée « CBG Mandji », la zone de forêt de 256 107 ha appelée Kivoro et constituée de deux aires protégées (les réserves de faune et de chasse d’Iguela, 72 514 ha, et de Ngove-Ndogo, 183 593 ha), avant de commencer l’exploitation de plus de 112 000 ha contigües à ses concessions forestières Rabi et Mandji, sans aucun permis. Au total : plus de 368 107 ha d’extension de concessions réalisée illégalement par CBG.
En 2022, les surfaces des aires protégées d’Iguela et de Ngove-Ndogo exploitées illégalement par CBG ont été déclassées et ramenées au domaine par décret n°019/PR/MEFMEPCPAT du 20 janvier 2022 portant déclassement des superficies empiétées de l’aire d’exploitation rationnelle de faune de Setté-Cama (J.O. n° 152 du 24 févr 2022). Depuis lors, la CBG réclame leur attribution pour dit-elle, assurer la continuité de son industrie et éviter le licenciement de ses employés. La position de la CBG pour justifier cet empiètement sur des aires protégées et des forêts qui ne lui étaient pas attribuées, repose sur la signature et l’approbation, par le ministre, de la CPAET en 2008 et du plan d’aménagement (PA) en 2009 et valent attribution de ces surfaces.
Or, la position de l’administration pour l’exploitation forestière industrielle est subordonnée à la délivrance d’un permis forestier (art. 94 de la loi n°016/01 du 31 décembre 2001 portant code forestier en République gabonaise). Et donc la CPAET et le plan d’aménagement sont des documents techniques d’exploitation forestière qui ne peuvent être signés que sur des surfaces régulièrement attribuées par des permis. Ils ne sont pas des permis forestiers et n’en ont ni la forme, ni l’autorité. Par conséquent, ils n’ont pas le pouvoir de créer ou d’étendre des permis forestiers.
L’exploitation des aires protégées et des surfaces forestières réalisée par la CBG sans aucun permis, depuis plus de 15 ans, est donc illégale et doit être sanctionnée conformément aux dispositions des textes en vigueur. D’ailleurs, le déclassement prononcé en 2022 par le décret sus-indiqué confirme bien que ces surfaces ne pouvaient pas faire l’objet d’une exploitation forestière. Aussi la CBG ne peut-elle pas les réclamer, même si elle les a illégalement occupées et/ou exploitées. En outre, les faits commis par la CBG ont aussi causé un préjudice à l’Etat. Ce dernier pourrait réclamer sa réparation. Toutefois, les actes délictuels commis par la CBG ont été approuvés par des responsables de l’administration forestière qui ont validé les documents soumis par la CBG et intégrant les surfaces ajoutées illégalement par cette société. L’administration pourrait donc être considérée comme complice des actes illicites commis par la CBG. Elle assumerait donc une part de la responsabilité civile résultant de ces faits, à moins qu’elle ne décide d’engager la responsabilité personnelle des responsables qui ont validé ces actes irréguliers, à raison des fautes commises par ceux-ci dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, cette complicité de l’administration ne permet pas à la CBG de se prévaloir de l’adage latin « nemo auditur… » car l’acte utilisé pour approuver ces extensions est totalement illégal et donc nul ; il ne peut pas fonder les droits dont se prévaut la CBG. Au surplus, en raison du caractère délictuel des faits visés, cet adage est exclu (il ne s’applique pas dans le domaine délictuel, cf. C. cass., ch. civ., 4 février 2010, n° 09-11464).
Propositions de solutions. Pour mettre un terme à ce litige et éviter les conséquences néfastes économiques et sociales pouvant naître de la cessation des activités de la CBG, il faudrait :- notifier formellement à la CBG, les infractions qu’elle a commises ;- signer un acte de transaction avec la CBG et retenir une des trois solutions qui suivent. Première solution : la CBG ouvre son capital social à l’Etat gabonais ou à un établissement public, à hauteur de 51%. Elle devient alors éligible au Permis forestiers associés (PFA) et l’Etat peut lui en attribuer sur les surfaces revenues au domaine. Deuxième solution : la CBG signe un contrat de partenariat public-privé (PPP) avec l’Etat qui peut alors lui attribuer des PFA comme dans la première solution. Troisième solution : L’Etat attribue tout ou partie des surfaces visées à un établissement public. Ce dernier conclura avec la CBG un contrat d’intégration desdits permis dans la concession Mandji, pour permettre à celle-ci d’exploiter légalement ces surfaces. La CBG exploite déjà dans ces concessions, des permis attribués à d’autres personnes physiques ou morales. Dans l’immédiat, la CBG peut exploiter les surfaces des assiettes annuelles de coupe (AAC) autorisées à exploitation et qui ressortent des permis forestiers régulièrement attribués.
Nicaise Moulombi
Deuxième Vice-Président du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) par le Président de la Transition. Il est également le Président Exécutif du Réseau des Organisations de la Société Civile pour l’Économie Verte et Durable
Président de Croissance Saine Environnement