Un message choc sur les ondes nationales
Tôt dans la matinée du 7 janvier 2019, le Lieutenant Kelly Ondo Obiang, alors commandant adjoint à la Compagnie d’honneur de la Garde Républicaine (GR), apparaît sur les antennes de la Radio Télévision Gabonaise (RTG). Dans un ton grave, il dénonce l’état de santé du président Ali Bongo Ondimba, victime d’un accident vasculaire cérébral quelques mois auparavant, et critique la gestion du pouvoir par son entourage. Baptisant son action « Opération Dignité », il appelle la population à descendre dans la rue pour renverser les « ennemis de la République ».
Cependant, cette tentative tourne court. Quelques heures seulement après la diffusion de son message, Kelly Ondo Obiang et ses compagnons d’armes sont arrêtés.
Des arrestations et un procès sous haute tension
Le 7 février 2019, le Lieutenant Kelly Ondo Obiang, Bidima Estimé, Dimitri Nze Mikom, six gendarmes postés à la RTG et un civil, Ballack Obame, sont placés sous mandat de dépôt et conduits à la prison centrale de Libreville. Leur procès s’ouvre le 18 juin 2021, captivant l’attention de tout le pays.
Le 21 juin 2021, lors de sa déposition, le Lieutenant Kelly Ondo Obiang livre un témoignage poignant. Il revient sur les motivations de son acte : l’instabilité politique causée par l’état de santé d’Ali Bongo, les luttes de clans à la présidence et la présence de mercenaires sur le territoire. Il affirme avoir agi pour éviter une confiscation du pouvoir par l’entourage présidentiel et pour défendre la souveraineté nationale. « Ce n’était pas une association de malfaiteurs, mais une association de patriotes », déclare-t-il à la barre.
Des accusations de tortures
Au fil des audiences, les accusés révèlent les conditions difficiles de leur garde à vue. Kelly Ondo Obiang raconte avoir été torturé, menacé d’infection au VIH et soumis à de multiples sévices pour qu’il attribue son action à des figures de l’opposition ou à Brice Laccruche Alihanga, alors proche collaborateur du président. D’autres accusés, comme Dimitri Nze, confirment avoir subi des brûlures et des passages à tabac.
Malgré ces témoignages, la demande de comparution de Frédéric Bongo, mentionné par les accusés comme l’une des figures clés de la crise, est rejetée par la cour.
Un verdict lourd de conséquences
Le procès se conclut par un verdict sans appel : Kelly Ondo Obiang et ses deux compagnons d’armes principaux sont reconnus coupables d’atteinte à la sûreté de l’État et condamnés à 15 ans d’emprisonnement. Ayant déjà passé six ans en détention, il leur reste neuf ans à purger.
Un symbole de résistance ou un acte condamnable ?
Pour certains, Kelly Ondo Obiang est un patriote ayant tenté de sauver le Gabon d’une crise politique majeure. Pour d’autres, son action reste une tentative irresponsable de renverser un pouvoir établi. Six ans plus tard, l’État gabonais reste marqué par cet épisode, qui continue de susciter des débats sur le rôle des institutions et la gestion du pouvoir.
Le renversement du régime d’Ali Bongo
Six ans après l’Opération Dignité, le régime d’Ali Bongo est finalement renversé le 30 août 2023 par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la Garde Républicaine. Ce coup de force marque un tournant décisif dans l’histoire politique du pays. Bien que les motivations de Brice Clotaire Oligui Nguema soient distinctes, certains s’interrogent sur une éventuelle inspiration tirée de l’action de Kelly Ondo Obiang. Si l’« Opération Dignité » n’a pas atteint son objectif, elle a peut-être jeté les bases d’une réflexion plus large sur la souveraineté et le rôle des forces armées dans la vie politique gabonaise.