C’était à la fin du mois de juillet 2022. Avec la chanteuse gabonaise Tita Nzebi, nous prenions un verre au dernier étage d’un bar nouvellement inauguré près de la place de la Bastille. Nous discutions de nos concerts passés et de nos projets. Il ne faisait pas encore excessivement chaud et j’avais terminé une tournée de plusieurs mois à Paris et en province. Notre conversation tournait essentiellement autour de la musique, de la difficulté du métier d’artiste, de nos doutes. Une conversation plutôt banale cela dit. Intéressante mais pas étrange. Elle me demanda si j’avais prévu quelque chose courant août. C’est alors que je lui répondis de manière très spontanée (qui m’étonna moi-même, pour être honnête) : « « Je vais avec des amis de l’association Cero-France à Brest pour rencontrer des responsables d’associations ufologiques et éventuellement faire des observations d’uap, notamment au large de la ville. » » « « Je savais que tu étais impliqué dans ce sujet, mais pas à ce point-là ! » » Je lui avais en effet une fois parlé de l’association Cero France qui regroupait des psychologues diplômés et des expérienceurs (ou abductés), des personnes qui avaient non seulement été témoins d’observations d’ovnis mais avaient eu des interactions avec leurs occupants. Une association unique en son genre en Europe. Les psychologues n’étaient pas là pour dire si oui ou non le témoin avait vu des aliens, voire avait fait l’objet d’interactions physiques de leur part. Ils étaient là avant tout pour permettre à la personne de mettre les mots sur son vécu et de l’intégrer dans son quotidien de façon à avancer dans la vie. Ce qui était au final le plus important. Tita savait que j’avais témoigné dans des émissions spécialisées sur le sujet des abductions. Je lui suis reconnaissant de ne pas s’être moquée de moi, de ne pas avoir rigolé bêtement, de ne pas avoir pris le sujet à la légère ou de sortir encore une phrase comme « « Les ovnis, ça n’existe pas » ». J’ai volontairement fait le tri ces trois dernières années autour de moi, afin d’éviter les mauvaises surprises et de ne pas perdre mon temps. Je ne demande pas qu’on adhère à mes propos, encore moins à mes convictions. Je demande simplement le respect.
« « Mais toi aussi qui a vécu au Gabon comme moi, as-tu entendu parler là bas d’ovnis, d’extraterrestres dans la bouche de nos compatriotes ? » ». Tita prit le temps de trouver les bons mots pour répondre à ma question : « « Dans le fond, je me demande si ce qu’on appelle ‘aliens’ en Europe ou aux Etats-Unis, on ne le traduit pas par ‘fantômes’ ou ‘esprits’ au Gabon. Et si dans le fond, on employait des termes différents pour parler de la même chose ? » »
Pourquoi je n’avais pas songé à cette éventualité ? Le penseur Jacques Vallée fut décrié dans les années 70 pour avoir évoqué l’idée que les lutins, les fées, les elfes étaient une façon de désigner des intelligences exogènes en Europe avant l’ère des révolutions industrielles. Pourquoi n’avais-je pas songé à transposer cette hypothèse dans le cadre gabonais ? Peu à peu j’ai commencé à rassembler des archives diverses sur des ovnis (ou pan, phénomènes aériens non-identifiés) au Gabon, au Congo-Brazzaville et en République Démocratique du Congo. Tâche complexe : il y avait très peu de témoignages d’observations inhabituelles dans cette région du monde. C’est bien simple, c’est comme si l’Afrique Centrale était tout simplement épargnée par la question OVNI. Ce qui a conduit d’ailleurs de nombreux africains à penser que « « tout ça c’était un truc des américains » ». Ou un truc de blancs.
La plupart des régions du monde sont représentées dans la littérature ufologique : le continent américain du nord au sud, l’Europe, la Russie, l’Inde, la Chine, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Nord (on citera le remarquable travail de Gérard Lebat sur les ovnis au Maroc), l’Afrique Australe (à travers la revue Ufo Afrinews, de 1988 à 2000). Il reste toutefois des régions qui n’ont pas fait l’objet d’étude relative à ce sujet et l’Afrique Centrale en fait partie. Je ne suis pas ufologue, je n’ai pas cette prétention. Le travail qui suit est davantage un travail de sociologie, d’anthropologie (je suis un ancien étudiant en géographie, options aménagement du territoire et sociologie). Il s’agit de voir où en est l’Afrique Centrale sur la question exogène en 2023. Au moment où, qu’on le veuille ou non, on observe une sorte de changement de paradigme qui a débuté à la fin de l’année 2017 lorsque le New York Times a révélé que le Pentagone avait financé officieusement un programme de recherche sur les ovnis. Une divulgation s’est mise en marche et s’est accélérée cette année 2023, avec la création aux Etats-Unis de l’AARO (All-domain Anomaly Resolution Office), organisme qui enquête sur les UAP (Unidentified Aerospace Phenomena), une conférence de la NASA de trois heures le 30 mai 2023 et le témoignage explosif du lanceur d’alerte David Grusch, ancien vétéran de la guerre en Afghanistan. Ajoutons à cela les travaux du scientifique Garry Nolan qui a reconnu récemment avoir eu des visites d’entités dans sa chambre lorsqu’il était enfant et le scientifique Avi Loeb parti dans l’océan pacifique récupérer des fragments d’un météore qu’il soupçonne d’être artificiel. On pourrait citer également Jacques Sarfatti ou Philippe Guillemant qui proposent des modèles théoriques assez costauds autour des multivers (dimensions parallèles).
Les détracteurs des sociétés africaines les accusent d’être en retard sur tout. Il ne faudrait pas que les sociétés gabonaises, congolaises contemporaines se retrouvent spectatrices passives d’un processus de divulgation généralisé. Nous avons la chance d’avoir dans ces pays des intellectuels chevronnés qui vivent avec leurs temps tout en étant imprégnés d’une connaissance des savoirs animistes (qui ont précédé l’évangélisation liée à la colonisation). Ils ont de facto un esprit plus ouvert que celui de leurs homologues français ou allemands pour aborder la question d’intelligences exogènes qui ne seraient ni animales, ni végétales et qui seraient plutôt supérieures à l’être humain. C’est un domaine de recherche énorme qui ne demande qu’à s’ouvrir. Une recherche vertigineuse qui peut générer de l’angoisse, fort compréhensible car nous nous retrouvons dans la situation du singe de laboratoire qui doit analyser les attitudes de celui qui l’enferme, l’observe, le manipule. Et parfois le tue. Et pourtant, c’est une recherche que je pense nécessaire.
D’octobre 2022 à juin 2023, j’ai donc interrogé plusieurs personnes, parfois longuement, notamment via whatsapp. Je tiens à les remercier ici de m’avoir accordé leur confiance. J’ai essayé de retranscrire leurs témoignages au plus près. Certains témoignages sont tout simplement édifiants. Attention, il ne s’agit pas d’émettre un jugement sur les propos des uns et des autres, d’expliquer ce que le témoin a vraiment vu et de développer un argumentaire pour/contre l’existence d’intelligences exogènes. Ce n’est pas le sujet de l’ouvrage. J’irais plus loin : j’ai choisi, compte tenu du contexte actuel, de partir du postulat que ces intelligences exogènes sont là, point. C’est un postulat entièrement assumé, risqué sans aucun doute, de ma part et renforcé par le fait que les personnes qui ont accepté de témoigner ont gardé leurs histoires longtemps pour elles (vous comprendrez pourquoi…). Elles prennent le temps de se livrer, d’évoquer des faits qui les ont parfois chamboulés. Je pense à ce jeune homme d’origine congolaise qui avait besoin de boire de l’alcool pour terminer son histoire. Je reste un homme natif du Gabon, ayant vécu à Libreville seize années, de père gabonais, de l’ethnie myènè. Autant être clair, je prends ma liberté qui est celle de ne pas me sentir obligé de céder au cartésianisme complètement dévoyé des intellectuels français, ufologues y compris. J’estime ne pas avoir à faire allégeance à une façon de penser hexagonale, qui, il faut bien le dire, a placé la France à la traîne sur la question OVNI ; alors que c’est le pays de naissance du GEIPAN, seul organisme au monde pendant longtemps, dédié à l’enregistrement d’observations inhabituelles et même, pour aller encore plus loin, pays de naissance du seul organisme européen où des psychologues accompagnent des personnes abductées, Cero France (Contact et Enlèvement lors de Rencontre Ovni). Hélas seul pays au monde où nous avons un journaliste comme Julien Pain…c’est dire le drame…Qu’on me pardonne mon semblant d’humour et ma vision un peu caricaturale car les choses bougent un peu au moment où j’écris ces lignes. Je veux simplement clarifier les choses : cet ouvrage consacré à l’Afrique Centrale est écrit par quelqu’un originaire de cette région. La France (pays maternel) y est peu évoquée, elle est à la périphérie. Je souhaite que cet ouvrage donne naissance à des débats au Gabon et dans les deux Congo (entre autres). L’avenir nous le dira. C’est également volontairement que j’ai choisi de ne pas mettre en avant mon cas personnel. A ce sujet, je me suis déjà largement exprimé, je pense, dans les médias spécialisés.
Comme je partais presque de zéro, j’ai choisi d’interroger des personnes que je connaissais qui m’ont ensuite redirigé vers des personnes que je ne connaissais pas et ainsi de suite. Je n’ai pas cherché le scoop à tout prix. J’estimais que si la personne interrogée n’avait rien vu, c’était tout aussi intéressant que si elle avait vu quelque chose. Certaines personnes ont souhaité l’anonymat, pas uniquement en raison du stigma qui pèserait sur le sujet ovni mais plutôt en raison de leurs statut d’opposants à des régimes considérés comme autoritaires et solidement ancrés. Je me disais que si j’avais déjà deux ou trois témoignages, ce serait exceptionnel. Je me suis retrouvé avec une quinzaine de témoignages ! Certains témoins vivent entre leur région d’origine et l’Europe. Je sais bien que l’Afrique Centrale ne se résume pas au Gabon, au Congo-Brazzaville et à la République Démocratique du Congo. Il aurait fallu couvrir la Guinée Equatoriale, le Cameroun, la Centrafrique, le Tchad. Ce travail est prévu pour un prochain tome. Toutefois, certains pays africains en dehors de l’Afrique centrale sont brièvement évoqués. Je choisis d’avancer pas à pas. Merci.