Un geste de responsabilité malgré l’indifférence des autorités ?
Le principal motif de cette mobilisation était l’adoption du nouveau Code de la magistrature, une réforme jugée essentielle pour garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire. Cependant, après des semaines de revendications marquées par une ferme opposition au ministre de la Justice, Paul-Marie Gondjout, allant jusqu’à exiger son départ du gouvernement, les magistrats se voient contraints de reprendre le travail sans avoir obtenu gain de cause.
Cette décision, loin d’être un renoncement, est présentée par le président du Synamag, Landry Abaga Essono, comme un acte de sagesse et de responsabilité. « Nous avons fait preuve d’une grandeur d’esprit et d’un très haut niveau de sagesse », a-t-il déclaré, insistant sur le fait que cette suspension ne doit pas être perçue comme un signe de faiblesse. « Cette résilience est l’expression la plus achevée du caractère majestueux de notre fonction. »
Le syndicat a justifié cette décision par la volonté de soulager les justiciables, présumés innocents et victimes d’un système judiciaire à l’arrêt. « Soulager vos peines et vos détresses ne serait-ce que pour un moment est l’une des raisons de cette décision », a affirmé Landry Abaga Essono, exprimant la compassion des magistrats pour les citoyens affectés par cette longue grève.
Des revendications toujours intactes
Si les magistrats reprennent leur travail, ils restent vigilants et déterminés à obtenir des réformes substantielles. Dans un contexte de préparation aux échéances électorales, ils interpellent les futurs dirigeants et appellent les électeurs à questionner chaque candidat sur sa vision de la justice. « La justice d’un pays est ce que le politique veut qu’elle soit. Si le politique veut qu’elle soit une justice de qualité, digne et indépendante, elle le sera. Si le politique veut qu’elle soit ce qu’elle est actuellement, elle le demeurera », a averti le président du Synamag.
Dans un message adressé au président de la transition, Landry Abaga Essono a également critiqué certaines récentes décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature, notamment des nominations qualifiées de « scandaleuses » et l’affectation de magistrats dans des juridictions fictives. « Lorsqu’on veut faire briller sa maison, on ne nettoie pas seulement une pièce en laissant les autres », a-t-il illustré avant de conclure : « Une seule dent infectée fait sentir toute la bouche. Cette dent, soit on la soigne, soit on l’extrait. Autrement dit, comme la justice ne peut être extraite, elle ne peut être que soignée. »
Un contraste avec les greffiers
Contrairement aux magistrats, le Syndicat national des greffiers du Gabon (SYNAGREF) a, lui, suspendu son mouvement de grève le 11 mars dernier suite à des évolutions jugées positives dans les discussions avec les autorités. Son président, Me Ndong Christ Ghislain, a expliqué que cette décision était motivée par la volonté des pouvoirs publics de répondre favorablement aux doléances des greffiers. Un contexte bien différent de celui des magistrats, dont les revendications restent à ce jour lettre morte.
Un combat qui ne fait que commencer
Malgré cette suspension, le Synamag prévient qu’il ne renoncera pas à son combat pour une justice plus transparente et efficace. Il exhorte les autorités à prendre la mesure des attentes des magistrats et des justiciables. Si la grève est temporairement levée, l’exaspération du corps judiciaire reste intacte. Le gouvernement est désormais face à ses responsabilités : s’il choisit de persister dans l’inaction, un nouveau mouvement social pourrait éclater à tout moment.