Le projet Belinga-Mayumba représente donc bien plus qu’une simple exploitation minière ; c’est un véritable projet de société, un levier potentiel de transformation profonde pour le Gabon. Et en faisant de ce projet son “cheval de bataille”, le Président Oligui Nguema engage son mandat sur une voie ambitieuse.
Annonçant un démarrage officiel de l’exploitation du gisement de fer de Belinga d’ici quatre ans, il lance un signal fort : l’heure est à la concrétisation d’une ambition longtemps caressée, celle de faire du Gabon un acteur majeur sur l’échiquier minier continental.
Le succès de ce pari stratégique, conditionné par la capacité à surmonter les gigantesques défis financiers et logistiques, pourrait effectivement ouvrir la voie vers la prospérité et la “félicité” tant espérées pour ses populations.
Cependant, le chemin vers cette ambition est semé d’embûches et le projet Belinga, situé dans la province de l’Ogooué-Ivindo, illustre bien la complexité de la tâche.
À ce jour, le gigantesque gisement de fer est toujours en phase d’exploration. Seuls 30 à 50 % des sondages géologiques nécessaires pour évaluer précisément l’étendue et la qualité des réserves ont été réalisés.
Aucune exploitation commerciale n’a encore vu le jour, hormis des tests préparatoires. Les retards accumulés s’expliquent principalement par un manque criant d’infrastructures adaptées et par des défis logistiques considérables inhérents à la région.
La vision présidentielle englobe justement la résolution de ces défis par la mise en place d’un écosystème infrastructurel colossal. Au cœur de ce dispositif : un corridor ferroviaire de 972 km reliant Belinga au futur port en eau profonde de Mayumba, traversant des localités clés comme Makokou et Ovan. Ce chemin de fer se veut moderne et respectueux de l’environnement, puisqu’il sera électrifié afin de minimiser son empreinte carbone. Il sera doublé d’une route bitumée et intégrera la fibre optique, favorisant ainsi le désenclavement numérique des régions traversées.
Le port de Mayumba, quant à lui, est conçu pour désengorger le port d’Owendo et éviter les contraintes environnementales d’autres sites potentiels. Avec une capacité d’exportation estimée entre 60 et 100 millions de tonnes de minerai par an, il deviendrait la porte de sortie maritime du fer gabonais vers les marchés internationaux.
Pour alimenter ce complexe minier et ferroviaire énergivore, la construction d’une centrale hydroélectrique d’une capacité de 400 à 600 mégawatts est prévue à Booué.
L’ampleur de ces infrastructures se reflète dans leur coût, estimé entre 12 et 20 milliards de dollars. Un investissement massif qui nécessitera des partenariats solides. Un consortium égypto-sud-africain, formé par Thelo Group et Egaad, semble tenir la corde pour la construction du corridor ferroviaire, bien que des investisseurs chinois soient également sur les rangs. La mobilisation de tels capitaux sera l’un des défis majeurs à relever.
Au-delà des chiffres et des infrastructures, les objectifs affichés sont porteurs d’espoirs considérables pour le pays. Économiquement, le projet ambitionne de faire passer la part du secteur minier dans le PIB national de 6 % actuellement à 15 % d’ici 2040, voire un tiers si le pari de la transformation locale des minerais est réussi.
Socialement, la promesse est celle de la création de 163 000 emplois directs et indirects, et du désenclavement effectif des provinces traversées par ce nouveau corridor logistique, stimulant ainsi le développement local.
L’enjeu de ce méga projet est de taille, à la mesure des rêves qu’il suscite. Il permettra au Gabon d’entrer dans des revenus diversifiés et sera un levier de son développement pour l’après pétrole.