Des ambitions incompatibles avec la réalité économique et politique
La capacité de mobilisation financière du Gabon à l’étranger demeure limitée depuis le coup d’État d’août 2023, qui a plongé le pays dans une période de transition. Cette situation rend presque impossible l’accès à des financements internationaux à grande échelle. De plus, aucun investisseur crédible ne s’engagerait dans de tels projets sans garanties solides, qui incluraient idéalement un retour à un régime civil stable et une prévisibilité politique.
Port en eau profonde de Mayumba : une opacité qui interroge
Le projet d’un port en eau profonde à Mayumba manque de clarté sur plusieurs fronts :
La planification reste absente, aucune information sur un éventuel rapport détaillé (DPR) ou sur une étude de faisabilité n’a été rendue publique.
Le financement demeure incertain, avec un modèle économique du projet (public-privé, BOT ou BOOT) flou, tout comme les sources de financement potentielles.
Les partenaires restent inexpliqués, la participation de géants économiques présents au Gabon, comme Eramet, COMILOG ou ARISE, n’a pas été confirmée, et des questions persistent sur les éventuels intérêts chinois.
Dans un contexte marqué par la précarité économique et politique, difficile d’imaginer la concrétisation de ce projet sans engagements clairs et transparents.
Ligne de chemin de fer Belinga-Boué-Mayumba : une vision à court terme
Proposée comme une infrastructure clé pour le transport de minerai de fer, cette ligne de chemin de fer suscite également des interrogations :
La durée de vie semble limitée, avec une rentabilité qui dépend de l’exploitation des ressources minières, généralement épuisées en moins de dix ans.
Le trafic passager est absent, sans aucune disposition pour inclure le transport de passagers, ce qui aurait pourtant renforcé la mobilité des Gabonais et diversifié les revenus de l’infrastructure.
Le financement et l’expertise manquent de clarté, avec un recours à des investisseurs étrangers, comme un consortium britannique évoqué, restant hypothétique en l’absence d’une stabilité politique et d’un plan d’action détaillé.
Barrage hydroélectrique de Boué : un projet à haut risque
La construction du barrage hydroélectrique de Boué soulève des préoccupations environnementales et économiques.
L’impact écologique est un point d’inquiétude, les critiques mondiales croissantes envers les barrages hydroélectriques pour leur impact environnemental devraient inciter à la prudence.
La viabilité financière est peu convaincante, aucune projection claire sur la demande énergétique ou les retours sur investissement n’a été présentée.
La dépendance extérieure augmente les craintes, la participation probable de partenaires chinois ajoute à l’inquiétude quant à une éventuelle mise sous tutelle économique.
Des projets compromis par la transition politique
En l’absence de stabilité institutionnelle, de financement sécurisé et d’une vision stratégique claire, il est difficile de croire à la réalisation de l’un de ces mégaprojets. Le contexte actuel de transition fragilise davantage la crédibilité des annonces présidentielles, qui semblent davantage destinées à susciter l’enthousiasme qu’à poser des bases concrètes pour le développement.
Dans ce climat d’incertitudes, il serait préférable de prioriser des projets réalistes, adaptés aux capacités financières et structurelles du Gabon, et susceptibles de produire des résultats tangibles pour la population. Sans cela, ces mégaprojets risquent de rejoindre la longue liste des promesses non tenues qui jalonnent l’histoire récente du pays.