Une justice sociale encore à concrétiser
Malgré les déclarations du président sur une redistribution équitable des richesses et une lutte accrue contre la corruption, peu de détails ont été fournis sur les mécanismes prévus pour atteindre ces objectifs. Si plusieurs responsables d’entreprises publiques ont été démis de leurs fonctions pour des soupçons de détournement de fonds, beaucoup d’entre eux n’ont pas été inquiétés par la justice, certains proches du cercle présidentiel ont même rebondi à d’autres responsabilités lors du conseil des ministres du 19 décembre, laissant planer l’impression d’une impunité persistante.
Par ailleurs, l’affaire Opiangah, l’homme d’affaires toujours en cavale et poursuivi notamment pour un délit de mœurs et une atteinte à la sûreté de l’État au lendemain de son appel à voter « non » lors du référendum du 16 novembre dernier, remet en cause l’indépendance de la justice. De surcroît, l’opinion publique reste choquée par la mort tragique par torture du second maître Johan Bounda, une affaire qui impliquerait deux hauts gradés de l’armée. L’absence de mention de cet événement dans le discours présidentiel alimente la frustration et la défiance envers les institutions judiciaires.
Des infrastructures prioritaires, mais un financement incertain
L’annonce de grands projets d’infrastructures, tels que le port en eau profonde de Mayumba et la ligne de chemin de fer Belinga-Bouée-Mayumba, s’inscrit dans une vision ambitieuse. Cependant, l’objectif de création de 163 000 emplois reste hautement hypothétique. Le Gabon, considéré comme un pays à risque selon les agences de notation internationales, n’attire pas facilement les investissements nécessaires pour de tels méga-projets.
Le manque de clarté sur les modalités de financement, l’absence de dispositions budgétaires et de plans concrets, ainsi que l’inexistence d’études de suggéreraient de susciter des doutes sur la viabilité de ces initiatives. Ces lacunes soulèvent des interrogations sur la transparence et la crédibilité des annonces faites.
Des promesses électorales sous surveillance
L’engagement d’organiser des élections libres et transparentes en 2025 est accueilli favorablement par la population et la communauté internationale. Toutefois, les événements précédents, notamment le référendum constitutionnel, ont été évoqués pour leur manque d’équité. Lors du contrôle du 16 novembre dernier, le camp du « oui » a retenu des ressources de l’État, contrairement au camp du « non », qui a disposé de moyens limités. Cette disparité nourrit des critiques sur la transparence et l’équité du processus.
Une question essentielle demeure : Oligui Nguema tiendra-t-il sa promesse de rétablir le pouvoir à un gouvernement civil ou sera-t-il candidat à la présidence ? L’absence de clarifications sur ses intentions futures entretient les doutes sur la sincérité de son engagement à respecter la transition démocratique.
Un pacte environnemental ambigu
Le président a évoqué des mesures en faveur de l’économie verte et de la collecte de contributions carbone. Bien que le Gabon soit reconnu comme un leader en matière de préservation forestière, ces engagements semblent déconnectés des réalités locales. Les pressions économiques, liées notamment à la baisse des cours des matières premières, pourraient nuire à la mise en œuvre effective de ces initiatives.
Un rôle international renforcé ?
Le président affirme que le Gabon a retrouvé une place de choix sur la scène internationale. Si la nomination d’un compatriote à la tête de l’ASECNA est symbolique, elle ne suffit pas à contrebalancer les défis internes. De plus, le retrait, par le ministre des Affaires étrangères Michel Régis Onanga Ndiaye, de la candidature de Noël Nelson Messone au poste de directeur général de l’UNESCO au profit de celle de l’Égyptien Dr Khaled El-Enany suscite des interrogations sur les priorités stratégiques de la diplomatie gabonaise.
Conclusion
Le discours du président Oligui Nguema mêle ambitions et promesses, mais le manque de précisions et d’éléments concrets limitent sa portée. Dans cette période cruciale, les Gabonais s’attendent à des actions tangibles plutôt que de simples déclarations d’intention. La Transition constitue un moment décisif, et le président devra traduire ses paroles en actes pour gagner la confiance de la population.