Par an, les groupes pétroliers et miniers approvisionnent des comptes séquestres, destinés au financement de la réhabilitation des sites en fin de cycle, dans des banques en Occident, plutôt que dans des banques de la sous-région, « La BEAC aimerait voir tout ou partie de ces sommes placées à l’étranger atterrir chez elle à partir du début de l’année 2025. », fait savoir Africa intelligence. Des pourparlers se sont tenus à Paris du 9 au 11 juillet, avec une cinquantaine de représentants des opérateurs miniers et pétrolier exerçant dans la CEEAC, et en présence du gouverneur de la BEAC, le Centrafricain Yvon Sana Bangui.
Alors que les discussions piétinent sur deux points, à savoir, la rémunération des fonds à un taux d’intérêt fixé au préalable et la levée de l’immunité judiciaire de la banque sous-régionale, « Yvon Sana Bangui, qui a pris son poste en février, aimerait signer d’ici au mois de septembre la convention donnant le coup d’envoi d’une longue procédure de rapatriement des fonds. », indique Africa Intelligence.
Les groupes miniers et pétroliers exigent que la BEAC leur garantisse une rémunération de leurs fonds à un taux d’intérêt fixé déjà convenu d’avance. Une autre exigence des industriels, ils demandent que la banque accepte de lever son immunité judiciaire, en cas d’irrégularités dans la gestion des comptes séquestrés. « Ce qui leur permettrait alors de se tourner devant la cour de justice africaine locale ou une instance d’arbitrage international. ». Des conditions jugées difficilement « acceptables pour le gouverneur, qui y voit une question de souveraineté », révèle Africa Intelligence.
De même que le sujet reste toutefois « sensible pour les opérateurs concernés, particulier américains (ExxonMobil, Marathon Oil, Chevron) et français (Perenco, TotalEnergies, Eramet). », la marge de manœuvre de la BEAC est tout aussi limitée, car, une fois, les principes de base du rapatriement des fonds acceptés par toutes les parties, chaque opérateur aura encore la possibilité de discuter avec chaque Etat pour l’application desdits accords.
Pourtant, les enjeux sont énormes pour la BEAC qui pour faire face à une faible couverture en devises des importations a mis en place depuis 2019, une politique restrictive de contrôle des changes. Les industriels ont l’obligation d’appliqué un ensemble de règles, avant d’effectuer des sorties de devises. « Si les industries extractives ont dans un premier temps échappé à ces règles, elles ont fini par participer à l’effort. En 2022, elles ont accepté de rapatrier 35 % de leurs revenus en zone Cemac. », croit savoir Africa Intelligence.
« Le mouvement a été impulsé sur conseil du Fonds monétaire international, qui s’inquiétait de la faible couverture en devises des importations, aujourd’hui de seulement 4,1 mois. Grâce au rapatriement des fonds des groupes extractifs, la banque ambitionne d’atteindre dans six mois de couverture des importations d’ici à la fin 2025, soit près de 9 000 milliards de francs CFA. », toujours selon Africa Intelligence, avant d’ajouter que « ces mesures n’ont pas entravé l’activité commerciale, contrairement à ce que craignaient les entrepreneurs. »
Dans les prochaines semaines, les deux parties vont élargir, au niveau des six pays membre, les discussions sur les modalités de rapatriement des fonds, et notamment sur la question de l’immunité. Cependant, les gouvernements sont réservés et ne « sont pas forcément alignés sur les intérêts de la BEAC. Ils pourraient préférer une position plus accommodante envers les opérateurs privés pour ne pas subir un ralentissement des investissements dans des secteurs vital de leur économie. », rapporte Africa Intelligence.
Dans ce contexte, la position du président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, sera scrutée, « Alors que son prédécesseur, Ali Bongo, prenait parti pour les entreprises minières et pétrolières, le patron de la junte pourrait être tenté d’adopter une position plus souverainiste, au moment où la société nationale Gabon Oil Compagny a repris le contrôle des actifs du groupe pétrolier britannique Assala », conclu Africa Intelligence.