Si cette explosion d’associations pro-régime semble marquer une nouvelle ère, elle s’inscrit en réalité dans une dynamique amorcée bien avant. En 2016, l’Association des Jeunes Émergents Volontaires (AJEV), dirigée par Brice Laccruche Alihanga, s’était imposée comme un instrument clé de la campagne d’Ali Bongo. Cet organe, habilement structuré, avait servi à mobiliser la jeunesse et à renforcer l’assise du pouvoir en place. À bien des égards, le modèle initié à cette époque semble se répéter aujourd’hui, avec une prolifération d’associations qui cherchent à se positionner dans le nouvel échiquier politique. Cette tendance a atteint un point culminant avec l’association Ossimane, présidée honorifiquement par Brice Clotaire Oligui Nguema, cornaquée en sourdine par son frère Mintsa Mi Nguema et convertie en parti politique le 6 mars dernier au Palais des Sports Gahouma.
Un clientélisme toujours vivace
Dans de nombreux pays africains, les élites politiques fonctionnent sur la base de réseaux de clientèle. Le Gabon ne fait pas exception. La création d’associations soutenant un dirigeant est souvent motivée par l’espoir d’obtenir des faveurs : financements, postes administratifs, accès aux marchés publics. Cette dynamique, loin d’être nouvelle, reflète un mode de fonctionnement où le soutien politique devient un levier pour s’attirer les bonnes grâces du pouvoir en place. À mesure que l’élection approche, cette logique s’intensifie, les associations cherchant à s’attirer l’attention du pouvoir et à garantir leur avenir.
Ralliement opportuniste et recomposition du paysage politique
L’arrivée d’Oligui Nguema au pouvoir, après la chute des Bongo, a bouleversé les équilibres politiques. Dans ce contexte, de nombreux acteurs cherchent à se repositionner. La création d’associations favorables au chef de l’État permet à ces derniers de manifester leur allégeance et d’anticiper un possible maintien au pouvoir d’Oligui Nguema après les prochaines élections. L’objectif est clair : ne pas être en marge du nouveau système et s’assurer une place dans l’avenir politique du pays. Ce phénomène a pris encore plus d’ampleur à l’approche du scrutin présidentiel, où la nécessité de visibilité et d’influence est devenue cruciale pour de nombreux acteurs politiques. L’adhésion à ces associations devient ainsi un calcul stratégique pour se garantir un avenir sous la nouvelle ère politique.
Pression sociale et effet de masse
L’adhésion à un mouvement politique ne repose pas toujours sur une conviction idéologique forte. Le conformisme social joue un rôle clé. Lorsqu’un soutien devient visible et largement médiatisé, d’autres acteurs suivent le mouvement par crainte de l’isolement ou pour ne pas être perçus comme en opposition avec le pouvoir. Dans un pays où l’État demeure l’un des principaux pourvoyeurs d’opportunités économiques, s’afficher en marge du régime peut être risqué. Avec le début officiel de la campagne, cet effet de masse s’est accentué, les associations cherchant à occuper l’espace médiatique et politique, en multipliant les manifestations de soutien et les initiatives destinées à séduire les cercles d’influence.
Des relais de propagande déguisés ?
Au-delà des motivations individuelles des membres de ces associations, leur multiplication peut aussi être vue comme une stratégie du pouvoir. En encourageant indirectement ces structures, le régime peut donner l’illusion d’un soutien populaire massif et ainsi renforcer sa légitimité. Ces organisations deviennent alors des courroies de transmission du discours officiel, servant à structurer une opinion publique favorable au chef de l’État. La proximité de l’élection pousse ces structures à redoubler d’efforts pour démontrer leur loyauté et se positionner comme des acteurs incontournables du dispositif de soutien à la candidature d’Oligui Nguema.
Une alternative aux partis politiques traditionnels
Le paysage politique gabonais est marqué par une faible structuration des partis. Peu enracinés dans la société, ils peinent à mobiliser durablement. Les associations comblent ce vide et deviennent des vecteurs d’engagement politique plus souples et plus réactifs, surtout en période électorale. Cette configuration permet une mobilisation plus fluide, mais elle traduit aussi une instabilité où les alliances se nouent et se dénouent au gré des opportunités. Face à une campagne qui s’intensifie, ces associations prennent une place prépondérante et rivalisent d’initiatives pour montrer leur engagement et leur fidélité.
Une continuité sous un nouveau visage
Malgré le changement de régime, la prolifération des associations pro-Oligui Nguema illustre une continuité dans la pratique politique gabonaise. Loin d’annoncer une rupture, ce phénomène traduit un pragmatisme opportuniste où individus et groupes s’adaptent aux nouveaux rapports de force pour préserver leurs intérêts. Ainsi, le jeu politique demeure structuré par des logiques anciennes, même sous un nouveau leadership. L’intensification de ce phénomène à l’approche de l’élection présidentielle témoigne de l’importance que ces structures revêtent dans le paysage électoral et de leur rôle dans la consolidation du pouvoir en place. À mesure que la campagne avance, ces associations cherchent à s’imposer comme des relais incontournables, façonnant un climat politique où le soutien affiché devient une ressource stratégique pour assurer son avenir.