Des réformes sur mesure pour le pouvoir en place
Traditionnellement, le cadre juridique gabonais, à l’instar de nombreuses démocraties, établit des incompatibilités claires pour préserver l’intégrité du processus électoral. Ces dispositions empêchent notamment les magistrats, les forces de défense et de sécurité, ainsi que les comptables publics principaux de se présenter aux élections tant qu’ils exercent leurs fonctions.
Dans le nouveau code électoral, ces incompatibilités sont levées pour certains groupes, notamment les militaires, qui peuvent désormais briguer des mandats électifs tout en conservant leur statut. Cette décision, perçue comme une faveur directe aux membres du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), y compris à son président Oligui Nguema, soulève des interrogations quant à l’impartialité et à la transparence des prochaines élections.
Des exclusions arbitraires pour restreindre la concurrence
En parallèle, de nouvelles restrictions ont été introduites, excluant des catégories de citoyens autrefois éligibles. L’article 176, par exemple, fixe une limite d’âge pour les candidats à la présidence, les restreignant à la tranche de 35 à 70 ans, excluant ainsi les jeunes et les personnes âgées. De plus, l’article 380 interdit aux membres du gouvernement de transition et à d’autres hauts responsables de se porter candidats.
Ces exclusions apparaissent arbitraires et sélectives. Pourquoi certains groupes sont-ils écartés, tandis que d’autres, historiquement soumis à des restrictions, voient leurs limitations supprimées ? Cette asymétrie alimente la suspicion d’un agenda politique visant à consolider le pouvoir d’Oligui Nguema après la transition.
Un agenda politique implicite en faveur du CTRI
Ces modifications semblent taillées sur mesure pour servir les intérêts des membres du CTRI, en leur permettant de se maintenir dans le jeu politique tout en préservant leur influence. Par ailleurs, le maintien de l’éligibilité du président de la transition, Oligui Nguema, malgré son rôle prépondérant dans l’élaboration des nouvelles règles, suscite des interrogations sur l’équité du processus.
Une transition sous le spectre de la manipulation
De telles décisions mettent en péril la crédibilité de la transition et risquent d’aggraver l’instabilité institutionnelle. Des réformes perçues comme manipulatrices peuvent provoquer des tensions internes et nuire à l’image du Gabon sur la scène internationale.
Le CTRI et les parlementaires de la transition ont une responsabilité historique : consolider la démocratie ou risquer de reproduire des pratiques autoritaires. Une transition réussie repose sur la transparence et le respect des règles électorales. Toute manipulation de ces principes constitue une trahison des attentes populaires manifestées lors de la chute du régime d’Ali Bongo et un obstacle à un avenir démocratique solide.
Les Gabonais aspirent à une véritable démocratie, fondée sur des valeurs d’équité et de justice. En taillant le code électoral sur mesure pour certains, le pouvoir en place risque de compromettre cet espoir. Il est impératif de tirer les leçons du passé pour garantir une transition exemplaire et éviter que les erreurs révolues ne refassent surface sous d’autres formes.