Débutée en décembre dernier, les premières victimes d’une grève des magistrats qui n’en finit pas sont sans doute la population carcérale et les familles des détenus comme l’explique un parent dont son proche ne peut sortir de prison même après avoir purgé sa peine : “J’ai mon frère qui est incarcéré depuis août 2020 à la prison centrale de Libreville et il a été appelé à la barre en novembre 2022. Condamné à deux ans d’emprisonnement et ayant déjà passé plus de deux ans derrière les barreaux, on attendait le résultat d’audience le 20 décembre 2022 pour qu’il soit libéré. Sauf que les magistrats sont rentrés en grève le 19 décembre 2022, donc ce qui fait qu’il est toujours enfermé. Et pour le rendre visite c’est tout un protocole, notamment pour obtenir une autorisation de visite. Pour l’obtenir, il faut faire la demande au tribunal, là-bas j’ai traîné de cabinet en cabinet jusqu’au Parquet sans résultat. Finalement, c’est à la prison que j’ai obtenu une autorisation de visite. Mon frère étant malade, je me suis rendu au Grève pour faire connaître son état de santé, les greffiers me font comprendre que ce n’ était pas de leur ressort, et qu’il fallait attendre la fin de la grève des magistrats pour que son cas soit traité. Mais les magistrats vont reprendre le travail quand ? Mon frère a terminé de purger sa peine, il devrait quand même avoir un service minimum, car si les gens vont toujours en prison, cela signifie que les gens peuvent aussi en sortir.”, a-t-il témoigné.
Même son de cloche pour l’ONG SOS Prisonniers qui apporte un secours juridique aux populations carcérales : “c’est avec beaucoup de peine et de tristesse que nous subissons cette grève, au niveau où à la prison centrale de Libreville la surpopulation carcérale bat son plein. Si en situation normale quand il n’y a pas de grève, on parle de surpopulation carcérale, imaginez-vous une seule seconde après une grève de quatre mois, trois mois, cinq mois, quel serait l’effectif à la prison”, a rapporté son président Lionel Ella Engonga.
“Il y a une baisse énorme des activités car toutes les affaires en cours sont estompées. Les décisions attendues aux fins de recouvrement ne peuvent être rendues et ceux ayant des affaires déjà instruites ont du mal à payer les notes d’honoraires, car ils savent qu’il y a grève des magistrats. Résultats des courses, certains Cabinets et Études d’huissiers sont quasiment fermés, ne pouvant plus payer le personnel, le loyer et les charges locatives. Il s’ensuit une perte considérable du pouvoir d’achat qui ouvre le chemin à l’endettement et à l’oisiveté.”, a déclaré le président de l’Association Nationale des Clercs d’Huissiers de justice du Gabon, Émane Ntotome Pierre.
Le président du Syndicat national des magistrats du Gabon, Nguema Ella Germain, interrogé par notre rédaction s’est défendu de tout blocage de la levée du mouvement de grève avant de rejeter la responsabilité au ministre de la Justice : “L’objectif de toute grève c’est d’empêcher le fonctionnement normal d’une administration en mettant en place un service minimum. C’est ce que nous faisons et ce service minimum gère les affaires pénales. C’est normal que les gens se plaignent du service minimum. Mais le responsable de cette situation c’est le Garde des Sceaux et non les magistrats.”, a-t-il défendu.
Reconduite dans le second gouvernement d’Alain-Claude Bilie-By-Nze ce 27 avril, la Garde des Sceaux, Erlyne Antonela Ndembet Damas, parviendra-t-elle cette fois-ci à convaincre les magistrats à reprendre le chemin du travail, elle qui compte déjà à son actif l’une des plus longues grèves enregistrée dans l’histoire du ministère dont elle a la charge ?