Monsieur le Président, lors de l’assemblée générale du SYNAMAG tenue le 29 novembre 2024 au Palais de justice, vous avez tiré la sonnette d’alarme sur l’influence de l’exécutif dans le fonctionnement de la Justice. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette situation est préoccupante ?
Cette situation est préoccupante à un double point de vue.
Elle est d’abord l’expression d’une violation flagrante de la constitution. En effet, l’influence de l’Exécutif dans le fonctionnement de l’appareille judiciaire est tout ce qu’il y a de plus incestueux dans un état de droit qui consacre le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Ce principe signifie que Chacun de ces pouvoirs doit être confié à des organes différents et indépendants. Pour garantir l’équilibre des pouvoirs, aucun pouvoir de doit empiéter sur l’autre. Cette théorie cherche en effet à éviter la tyrannie et à combattre les abus de pouvoir parce que tout homme qui a le pouvoir est toujours tenté d’en abuser.
Elle est si importante qu’elle a été reprise par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, texte a valeur constitutionnelle qui dispose que : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution »
Enfin, elle contrarie gravement l’indépendance des magistrats.
En effet, l’article 11 de la loi n°040/2023 du 26 octobre 2023 place les magistrats du parquet sous l’autorité du Ministre de la Justice, membre du gouvernement.
En plaçant les magistrats sous l’autorité d’un membre du gouvernement, comment peut-on attendre d’eux qu’ils rendent justice en toute impartialité ?
Que proposez-vous pour remédier à cette situation ?
Pour une justice crédible, indépendante et impartiale il faut commencer par améliorer des conditions de travail et de vie des magistrats par la mise à disposition de moyens leur permettant de rendre une justice de qualité.
Il faut ensuite sortir les membres de l’exécutif et du parlement du conseil supérieur de la magistrature. Ils n’ont rien à y faire.
Cet organe a en effet pour mission d’exercer l’autorité judiciaire en veillant de manière permanente à la bonne administration de la justice. Comment peut-on imaginer qu’un organe aussi important dans la carrière du magistrat soit présidé par le chef du pouvoir exécutif et sa Vice-Présidence assurée par le Ministre de la Justice ?Quelle indépendance peut-on attendre de la justice dans ces conditions ?
Il faut enfin améliorer les conditions de recrutement des magistrats en mettant l’accent sur les exigences de compétence et bonne moralité.
Vous avez également formulé un appel au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Que souhaitez-vous précisément de leur part ?
Nous avons formulé un appel à l’endroit du Président de la Transition en sa qualité de Président du conseil Supérieur de la Magistrature afin qu’il vienne lui-même se rendre compte de l’Etat de déliquescence dans lequel se trouve la justice gabonaise.
Lorsqu’on se fixe pour objectif de restaurer les institutions d’une République, la justice ne peut pas être relayée aux calendes grecques. Nous avons en effet l’impression que seule la restauration des institutions politiques semble retenir son attention. Or, à quelle véritable restauration des institutions peut-on parvenir sans restaurer les institutions judiciaires ?
À l’heure où le Gabon s’apprête à adopter une nouvelle Constitution, pensez-vous que vos revendications seront prises en compte ?
Nous espérons qu’elles seront prises en compte car l’édification d’un Gabon nouveau requièrent des autorités qu’elles repensent l’organisation et le fonctionnement des institutions judiciaires.
Un dernier mot pour conclure.
Je remercie « LE CONFIDENTIEL » pour l’intérêt qu’il accorde aux combats du SYNAMAG pour une justice digne et indépendante. Je souhaite que cette opportunité me soit à nouveau donnée pour d’avantage relayer le bien-fondé de notre cause.
Pour emprunter les mots du romancier philippin FRANCISCO SIONIL José, je termine en disant que « la justice n’est pas qu’une notion abstraite mais un besoin qui ne peut attendre demain. Elle est le droit du plus faible ».