En mars dernier, dans la foulée de l’officialisation de sa candidature, le discours d’Oligui Nguema était clair : le RdB était un outil conjoncturel. “Le Rassemblement des Bâtisseurs est un mouvement ad hoc que nous avons mis en place et après l’élection chacun va rejoindre son parti ou son association. Je ne veux pas être tenu par un quelconque parti ou une quelconque association, je suis l’homme du peuple et l’homme de tous les Gabonais qui veulent voter pour moi,” avait-il déclaré. Une posture d’homme au-dessus des clivages, séduisante dans un contexte de transition.
Pourtant, l’euphorie de la victoire semble avoir engendré une nouvelle dynamique. Ange Kevin Nzigou, propulsé au rang de bras droit politique du président et nommé coordinateur général de sa campagne au sein du RdB, a pris la parole le 16 mars 2025 au siège du mouvement. Son annonce est sans équivoque : le RdB ne restera pas une simple plateforme de soutien, mais se muera en un véritable parti politique, structuré et démocratique. Insistant sur la nécessité d’offrir au président une “majorité cohérente, loyale, forte,” il a lancé un appel à tous les adhérents pour une “grande assemblée” constitutive, dont les inscriptions seront ouvertes les 15 et 17 avril 2025.
Cette volte-face stratégique soulève une question lancinante : la “realpolitik” a-t-elle rattrapé le nouveau président, ou cette manœuvre était-elle une ruse politique dès le départ ? Toujours est-il que cette évolution pourrait bien sonner le glas des aspirations partisanes de ceux qui ont massivement appelé à soutenir la candidature d’Oligui Nguema.
Alexandre Barro Chambrier (Rassemblement pour le Progrès et la Modernité), Paulette Missambo (Union nationale), l’aile de Réappropriation du Gabon, de son Indépendance, pour sa Reconstruction menée par Persis Lionel Essono, Mike Jocktane (Gabon Nouveau), Paul-Marie Gonjout (Union nationale initiale) ont tous mis leurs ambitions de côté pour rallier le RdB. Vont-ils désormais accepter une absorption pure et simple, renonçant à l’essence même de leur création durant l’ère Ali Bongo : la conquête du pouvoir présidentiel ? Le Parti Démocratique Gabonais (aile Blaise Louembe), autrefois hégémonique, devra également se positionner face à cette nouvelle force. Saura-t-il faire le deuil d’une reconquête solitaire du pouvoir ?
Alors que l’opposition tente de se structurer autour de figures comme l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, déclaré deuxième à la présidentielle, et que des voix centristes comme celle de Dieudonné Minlama Mintogo avaient appelé à voter Oligui Nguema, le devenir de la société civile interroge tout autant.
Des figures emblématiques de la contestation du régime déchu, tels que Marc Ona Essangui et Georges Mpaga, ont intégré le RdB. Même des personnalités issues de la société civile ayant soutenu Ali Bongo, à l’instar de Nicaise Moulombi, ont apporté leur soutien à Oligui Nguema. Face à cet exode massif, que restera-t-il d’une société civile indépendante et critique ? Le risque est grand de voir cette force de contrôle et de proposition se diluer au sein d’une structure partisane, laissant un vide potentiellement préjudiciable à la vitalité démocratique du Gabon.
L’évolution du Rassemblement des Bâtisseurs, d’une simple alliance électorale à un parti politique en devenir, pourrait redessiner en profondeur les contours de la scène politique gabonaise. Reste à savoir si cette consolidation du pouvoir autour du président Oligui Nguema se fera au prix de l’effacement des autres forces politiques et de l’affaiblissement d’une société civile pourtant essentielle à l’équilibre démocratique.