Pourtant, au-delà de son pseudonyme, combien parmi nous connaissent l’homme derrière l’artiste ? Combien savent que le roi de la Ntcham, le fils de Maman Happy, répond au nom de Mohamed Kourouma ?
L’Oiseau Rare n’est pas qu’un musicien. Il incarne le destin de milliers de binationaux, parfois des apatrides, nés au Gabon de parents originaires d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale. Ces hommes et ces femmes, souvent de la deuxième ou troisième génération, ont grandi ici, dans les quartiers populaires de Libreville – Petit-Paris, Kinguélé, Ntsimi Toss – ou dans l’arrière-pays. Ils sont Gabonais dans leur cœur, dans leur âme, mais pas toujours dans les faits juridiquement.
Sans papiers, les compatriotes comme L’Oiseaux Rare, vivent dans un entre-deux juridique et social. Conscients de leur handicap, bien qu’ils se battent souvent deux fois plus que la moyenne pour s’intégrer et réussir dans la société, leur origine étrangère constitue souvent un frein majeur à l’obtention de la nationalité gabonaise. Et pour ceux qui parviennent à franchir cet obstacle, une autre limite s’impose : l’impossibilité d’aspirer à des fonctions suprêmes dans le pays, une barrière érigée par la Constitution musclée lors du référendum du 16 novembre dernier.
Ils ne connaissent que le Gabon. Ils aiment ce pays, même si leur attachement n’est pas toujours reconnu. Contrairement à certains autres Gabonais d’adoption, qui ont obtenu leur nationalité d’adoption en un claquement de doigt grâce à leur fortune ou à leur proximité avec les cercles du pouvoir, ces hommes et femmes restent en marge. Ils ne portent ni les noms empruntés comme Nkani, Moussavou ou Andjoua, ni l’aura de Samuel Jackson ou de Ludacris.
Mohamed Kourouma, alias L’Oiseau Rare, était l’un d’eux. Avant de devenir l’ambassadeur international de la Ntcham et l’un des meilleurs représentants de la culture urbaine gabonaise, il était un compatriote sans papiers. Son parcours, sa résilience, et sa réussite montrent que la nationalité gabonaise ne devrait ni se monnayer, ni s’acheter ; elle se mérite.
En concert au Palais des Sports de Libreville le samedi 21 décembre 2024, devant plus de 8 000 spectateurs, des mains du ministre de la Culture, André-Jacques Augand, envoyé par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, il lui a remis un passeport et un certificat de nationalité gabonaise. Bien. Mais sauf qu’au-delà de la communication politique, qui intervient quelques jours après la rafle de centaines de jeunes compatriotes dans le Grand-Libreville, aux heures de couvre-feu, à la veille de sa levée, il est important que cette opération ne se limite pas à une opération de charme ou de rattrapage du pouvoir, mais qu’elle réponde à une solution structurelle de résoudre la problématique de l’accès à la nationalité pour tous ces compatriotes gabonais d’origine étrangère qui la désirent et la méritent.