Dès l’arrivée du CTRI, les attentes étaient claires : un changement profond, un renouvellement des visages et une remise à plat du système politique. Or, de fil en aiguille, les observateurs ont constaté que bon nombre de personnalités issues du régime précédent ont retrouvé des postes influents dans l’administration et, aujourd’hui, dans les structures chargées de mener la campagne d’Oligui Nguema.
L’illustration la plus frappante de ce phénomène est visible dans les coordinations de campagne, dont la composition a été rendue publique respectivement vendredi et samedi. Ce recyclage politique suscite l’incompréhension et la colère des militants de la première heure, qui estiment que leur engagement pour la rupture a été détourné au profit de figures déjà désobligées par leur passé.
Une direction de campagne controversée
Alors que l’opinion s’attendait à ce que la campagne du président sortant soit dirigée par une personnalité “neuve” ou une figure “immaculée”, Brice Clotaire Oligui Nguéma a finalement confié cette mission à son Haut Représentant personnel, Jean-Pierre Oyiba. Ancien hiérarque du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et figure du régime déchu, Jean-Pierre Oyiba occupe désormais le poste de Coordonnateur général de la campagne. Derrière lui, en qualité de Coordonnateur en second, figure Anges Kevin Nzigou, leader du Mouvement “Rassemblement des Bâtisseurs” (RDB), qui porte officiellement la candidature d’Oligui Nguéma à la présidentielle du 12 avril 2025.
La nomination de Jean-Pierre Oyiba suscite d’autant plus de critiques qu’il était un membre influent du Comité permanent du Bureau politique du PDG, le parti évincé du pouvoir par le coup d’État du 30 août 2023. Cette désignation renforce ainsi le sentiment de continuité avec l’ancien régime, éloignant la perspective de rupture promise par la transition.
Point marquant qui fait le lit de la continuité de l’ancien système, c’est l’intervention en premier de l’ancien baron du régime d’Omar Bongo, l’ancien Premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane, qui a ouvert le bal des déclarations, confortant ainsi l’idée que le renouvellement tant espéré n’a pas eu lieu.
Un rejet massif dans plusieurs provinces
La réaction ne s’est pas fait attendre. Dans plusieurs provinces, notamment à Oyem et à Bitam, des rassemblements spontanés ont été organisés pour exprimer le rejet de ces coordinations de campagne. À Bitam, la jeunesse a manifesté un refus catégorique de voir les anciens cadres du PDG mener la campagne du président de la transition, accusant ces figures d’être responsables des échecs électoraux passés.
Le mécontentement a également gagné les rangs des parlementaires de la transition. Ghislain Malonda, sénateur de la transition et président du mouvement “Sauvons la République”, a publiquement exprimé son indignation face à la coordination de campagne mise en place dans l’Ogooué-Lolo. Dans un message adressé aux Gabonais, il a déclaré :
“Je suis plus qu’écœuré de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Cette coordination est une mascarade. Nous n’avons pas besoin des survivants du régime déchu. On ne peut pas prendre des gens qui ont échoué pour organiser une campagne aussi délicate.”
Le sénateur a ensuite annoncé la mise en place d’une structure parallèle composée de personnalités qu’il juge “crédibles” et capables de mener une campagne efficace.
Un climat de défiance grandissant
Outre les oppositions internes, des leaders associatifs et des responsables d’ONG dénoncent également leur mise à l’écart des dispositifs de campagne, notamment l’absence de moyens financiers et logistiques pour assurer le travail de terrain. Cette situation, jugée injuste, a conduit certaines associations à appeler directement le président Oligui Nguema à revoir les stratégies en place.
“Nous interpellons notre candidat à prendre les décisions qui s’imposent afin que les responsables d’associations et d’ONG soient pris en compte pour garantir une victoire confortable et éclatante le 12 avril 2025.”
En pleine période électorale, cette contestation risque de fragiliser la cohésion au sein du camp présidentiel. L’abondance des postes attribués aux anciens dignitaires du PDG est perçue comme une insulte à l’esprit de la transition et un frein aux ambitions de rupture du président-candidat. La question reste donc ouverte : ce choix stratégique sera-t-il un atout ou un handicap pour Oligui Nguema dans la conquête des suffrages ?