Le gouvernement a lancé des journées de réflexion, “Les assises nationales contre la vie chère” et validé une série de recommandations qui seront présentées en Conseil des ministres pour adoption. Le gouvernement présente ces recommandations comme un début de solution pour endiguer le coût de la vie. Quelle est votre analyse sur la question de la vie chère au Gabon ?
Monsieur Ali Bongo a prêté serment le 27 septembre 2016 pour un mandat de sept ans qui se termine donc le 26 septembre de cette année 2023. Ce mandat est comme le précédent une succession de promesses non-tenues et une grande désillusion pour les Gabonais qui y ont cru. Les “Assises nationales contre la vie chère” sont à l’image des quatorze années de Monsieur Ali Bongo à la tête de l’État : une mélange de cupidité, de mensonges irresponsables, d’incompétence et d’inconséquence. La seule chose que l’on peut retenir de tout ce cirque, c’est l’argent sorti du Trésor public pour être versé aux membres du Gouvernement. C’est avec cet argent public qu’ils financent les tournées politiques, abusivement qualifiées de républicaines, dans leurs provinces respectives pour clamer en toute hypocrisie la grandeur de Monsieur Ali Bongo. Cela est pitoyable.
“la course effrénée vers la baisse des prix des produits et services est une hérésie”
Sur le fond, nos compatriotes sont trop nombreux à ne pas disposer de revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins. Nul ne peut le contester. Et cette situation ne résulte pas de l’inflation conjoncturelle découlant de la crise sanitaire ou de la guerre en Ukraine.
Je l’ai déjà dit : ce n’est pas la vie qui est chère, ce sont les Gabonais qui sont pauvres. Sur une population estimée à plus de 2,3 millions d’habitants, combien de personnes perçoivent un revenu régulier à la fin du mois ? Pour l’année 2021, la Direction Générale de l’Économie et de la politique fiscale dénombre 183.608 salariés au Gabon, dont 83.313 dans le secteur privé et 100.295 dans le secteur public. À ces salariés, nous pouvons ajouter les 51.000 retraités des secteurs public et privé. Il y a donc moins de 250.000 personnes qui perçoivent un revenu régulier dans notre pays sur une population totale estimée à 2,3 millions d’habitants, soit moins de 11% de la population. Naturellement ces statistiques ne prennent pas en compte le secteur informel et les professions libérales non déclarées à la CNSS. De même, d’après les chiffres communiqués par la CNAMGS, la population des Gabonais économiquement faibles compte plus de 834.000 personnes, dont plus de 525.000 assurés principaux, c’est-à-dire des Gabonais ayant au moins 16 ans et dont le revenu est inférieur au SMIG (80.000 FCFA).
C’est donc sous cet angle du revenu qu’il conviendrait d’aborder le problème. Les revenus doivent provenir de l’activité, donc principalement du travail. Tant que les emplois continueront d’être détruits comme c’est le cas depuis un décennie, tant que le chômage restera élevé, les Gabonais seront toujours aussi pauvres, donc sans pouvoir d’achat. La priorité doit donc être l’accroissement des revenus des ménages à travers la création d’emplois, donc la lutte contre le chômage et l’adaptation des salaires des actifs à l’inflation annuelle. Le blocage structurel des salaires est anti-économique. Et la course effrénée vers la baisse des prix des produits et services est une hérésie.
Les propos du Chef du gouvernement Alain-Claude Bilie-By-Nzé, lors de la clôture des travaux des Assises nationales contre la vie chère en pointant selon lui le train de vie ostentatoire des gabonais comme faisant partie des causalité de la vie chère ont choqué bien nombre de compatriote. Votre avis.
Je me demande ce qu’ont pensé les 525.000 Gabonais qui se sont déclarés à la CNAMGS comme ayant un revenu mensuel inférieur à 80.000 Fcfa en entendant qu’ils vivraient probablement “au-dessus de leurs moyens”. Le sujet est suffisamment sérieux pour ne pas ouvrir de polémiques inutiles ou pour s’autoriser de belles formules. Je dirais juste qu’il y a quelques siècles, l’esclavage était la solution que les Européens avaient trouvée pour obtenir le coût du travail le plus bas lors de la conquête américaine.
La Concertation politique entre la majorité et une partie de l’opposition a abouti à une modification de la Constitution. Notamment le volet concernant le retour à un scrutin à un tour pour toutes les élections, dont la présidentielle. Ne regrettez-vous pas aujourd’hui le boycott de cette rencontre de la part de la Plateforme Alternance 2023 dont fait partie l’Union nationale . N’avez-vous pas l’impression que votre présence lors des débats aurait changé peut-être le cours des choses ?
Ne soyons pas naïfs. La concertation politique ne visait qu’à revêtir du manteau du consensus de toute la classe politique le recul démocratique décidé par le pouvoir. L’objectif était de compromettre l’opposition en l’associant à une décision unilatérale prise par le pouvoir, et pour son seul intérêt. Nous avons refusé de nous associer à cette mascarade et avons eu raison.
“A la veille de chaque élection, le Pouvoir modifie les règles du jeu pour être certain de se maintenir.”
À la veille de chaque élection, le Pouvoir modifie les règles du jeu pour être certain de se maintenir. Cela exprime plus que tout son refus de la démocratie et sa crainte de l’alternance. Fort heureusement, les Gabonais ne se laissent plus prendre à ce jeu de dupes et lui répondent dans les urnes avec constance.
Nous devons imposer la démocratie à ceux qui la redoutent et prennent en otage notre pays. Les Gabonais ne doivent pas se laisser distraire pas ces vaines manœuvres du régime qui se sait rejeter par une très large majorité du pays et ne sait plus à quelle branche se raccrocher pour retarder une chute désormais inéluctable.
Pour cette année 2023, nous devons nous concentrer sur l’essentiel. Chaque Gabonais doit pour cela consacrer trois (3) jours au pays et affirmer ainsi sa citoyenneté. Il doit consacrer un premier jour pour s’assurer de son inscription sur la liste électorale. En se munissant soit de son acte de naissance légalisé, soit de la CNI ou du Passeport, il doit accepter de consacrer toute la journée à cet exercice préliminaire. Il consacrera ensuite une deuxième journée pour la récupération de sa carte d’électeur. Même s’il y a affluence, cela prendra moins d’une journée. Il doit enfin consacrer la troisième journée au scrutin. Il devra aller voter et récupèrera à la fin de la journée les résultats de son bureau de vote qu’il communiquera partout où besoin sera.
Vous êtes une figure qui pèse dans l’opinion nationale et également au sein de votre formation politique, l’Union nationale. Vous avez toujours été un homme de l’ombre, d’abord derrière André Mba Obame en 2009, ensuite Zachary Myboto, Jean Ping et maintenant derrière la présidente Paulette Missambo dont vous avez soutenu la candidature pour présider l’Union nationale, alors que vous aurez pu présenter votre candidature et peut-être l’emporter. À un moment donné ne caressez-vous pas vous aussi un destin présidentiel ? N’envisagez-vous pas être candidat à la présidentielle si votre formation politique optait pour vous ?
Vous auriez pu citer également Monsieur Casimir Oye Mba. Je faisais partie de son équipe de campagne pour l’élection présidentielle de 2016 et c’est parce qu’il a privilégié la nécessité de l’alternance au détriment de son ambition personnelle que je me suis retrouvé à diriger la communication du candidat unique de l’opposition.
J’aime à citer ce propos de Franz Fanon dans les Damnés de la Terre : “Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir”. C’est en 2009 que je me suis engagé en politique au sein de l’équipe de campagne d’André Mba Obame. Je me suis engagé à ses côtés pour le Gabon notre pays, tant je lui dois. Je me suis engagé pour le Gabon et pour les Gabonais. Je me suis engagé aux côtés d’autres compatriotes qui partagent avec moi un même idéal pour notre pays.
“Mon destin me conduira où il voudra, rassurez-vous je me donnerai les moyens d’être à la hauteur et d’en être digne.”
Je n’ai jamais considéré l’engagement politique comme une opportunité de carrière ou de réalisation personnelle. Bien au contraire, cet engagement m’a conduit à renoncer à nombre d’entre elles qui se sont offertes à moi. J’ai toujours été motivé par la volonté de voir notre pays s’offrir un autre destin que celui auquel le condamne le Pouvoir actuel depuis plus de 55 ans. J’ai toujours souhaité que le Gabon soit autre chose qu’une dictature, un État autoritaire ou une cleptocratie.
Dans ma démarche au service de notre pays, je n’ai donc jamais été animé par un désir personnel de réalisation. Je reste persuadé que le développement du Gabon doit être une ambition collective, que chaque Gabonais y a sa place et doit faire sa part. Je fais la mienne. Mon destin me conduira où il voudra, rassurez-vous je me donnerai les moyens d’être à la hauteur et d’en être digne.
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