Organisé par la France et le Gabon, le premier sommet pour la préservation des forêts tropicales, qui se tiendra les 1er et 2 mars à Libreville, est un leurre du président Ali Bongo, dont le régime est marqué par le pillage des ressources du pays, l’appauvrissement de la population et la violation des droits humains.
C’est lors de la 27e COP, qui s’est tenue à Charm el-Cheikh en Egypte, du 6 au 18 novembre 2022, qu’Emmanuel Macron et Ali Bongo ont annoncé le lancement du One Forest Summit dont la première édition, organisée conjointement par la France et le Gabon, se tiendra à Libreville du 1er au 2 mars 2023.
L’opportunité de la tenue de cette rencontre pose à la fois des interrogations, des interprétations et même des suspicions. En effet, au regard de l’agenda des différentes rencontres internationales, on peut noter que la 15e COP sur la biodiversité s’est tenue à Montréal du 7 au 19 décembre 2022 et naturellement, la gestion et la protection des forêts figuraient en bonne place au menu des échanges. Aussi, est-il prévu en juin 2023 à Brazzaville, sous l’égide de la Commission climat du Bassin du Congo, un sommet de l’ONU sur la décennie mondiale de l’afforestation.
A l’évidence, la rencontre de Libreville, qui se tiendra dans un intervalle de trois mois entre les deux événements précités, porte, dans un contexte d’élection en 2023, un relent d’ingérence d’adoubement et Françafricain au profit du régime au pouvoir au Gabon. Il convient de rappeler que le Gabon est le cinquième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, le deuxième producteur africain de bois, le troisième producteur mondial de manganèse et qu’il est classé parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.
La qualité de vie des Gabonais n’a jamais été en corrélation avec le niveau de richesse de leur pays. En 2006 et en 2009, l’indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui agrège des données en matière de santé, d’éducation et de niveau de revenu par habitant, classait le Gabon respectivement 124e et 103e. Le pays avait progressé en améliorant son classement de 21 places en quatre ans. Mais depuis 2009, le pays a connu un déclassement, perdant douze places en dix ans, puisqu’en 2019, il était classé 115e. Il est donc parti de la 103e place en 2009, sans aucun mérite au regard de ses ressources et de son PIB par habitant, pour un recul à la 115e place en 2019.
Appauvrissement de ses populations
Le régime au pouvoir au Gabon se distingue par le pillage des ressources du pays et conséquemment par l’appauvrissement de ses populations. Ceux qui tiennent le pouvoir au Gabon sont cités dans de nombreux scandales financiers internationaux, notamment dans l’affaire des biens mal acquis en France. Sur le plan des libertés, des droits civiques et de la bonne gouvernance, les violations des droits humains, les atteintes à l’Etat de droit et la corruption sont les principaux leviers d’action de ce régime. Le pays compte de nombreux prisonniers d’opinion et des prisonniers pour règlement de comptes dont certains ont la nationalité française.
La fraude et la répression lors de l’élection présidentielle de 2016 ont été largement documentées par les différents observateurs, notamment par la Mission d’observation de l’Union européenne dont les membres ont, par ailleurs, été malmenés par ce régime.
Sans réponse aux aspirations des Gabonais, Ali Bongo, fidèle à sa posture démagogique, a décidé de faire de la protection de l’environnement son nouveau leurre pour tenter de se donner une bonne image aux yeux de la communauté internationale.
S’agissant des forêts gabonaises, loin du discours de façade, la déforestation et l’exploitation de mines clandestines avec la complicité des gouvernants privent les populations de ressources naturelles indispensables, telles que les terres cultivables, l’eau potable, les plantes médicinales, dans un pays qui n’a toujours pas atteint l’autosuffisance alimentaire, où les systèmes de santé et d’adduction d’eau sont on ne peut plus obsolètes pour ne pas dire inexistants.
Déforestation et les mines clandestines
La déforestation et les mines clandestines ont aussi un impact désastreux sur l’habitat naturel des éléphants qui se rapprochent donc de plus en plus des villages occasionnant ainsi un conflit homme faune, dont les victimes humaines sont simplement ignorées par le régime au pouvoir au Gabon.
Protéger l’environnement ne peut se faire au détriment de la liberté et du bien-être des peuples. Assurément, le One Forest Summit de Libreville sera l’acte premier de la protection de l’environnement contre les peuples, et la France et le Gabon seront les fers de lance de cette ignominie. Résolument, la protection de la planète trouve son sens premier dans la protection de l’humanité, on ne peut donc pas opposer la protection de l’environnement à la protection et au bien-être de l’humain, ils sont indissociables, l’un étant constitutif de l’autre.
Au demeurant, les principaux acteurs de la protection de la planète ce sont les populations. Or, le régime d’Ali Bongo au pouvoir au Gabon, semble promouvoir l’idée d’une protection de l’environnement débarrassée des populations. La prochaine élection présidentielle au Gabon est prévue en août 2023. La démocratie ne rend pas visite à la dictature, qui plus est en période électorale, cela s’apparente à un adoubement quel qu’en soit le prétexte surtout dans le contexte africain.
Le peuple gabonais a atteint son seuil de tolérance. Il n’accepte plus la confiscation de ses droits à l’alternance politique et la privation des conditions de vie décentes. Les Gabonais exigent la prise en compte de leurs aspirations dans un environnement harmonieux et favorable à un développement durable. Mais, ces exigences qui sont au cœur de la préservation de la planète ne trouvent aucun écho auprès du pouvoir au Gabon.
En France, au Gabon et partout ailleurs dans le monde, jamais la démocratie ne doit s’accommoder de l’autocratie pas même au nom de la protection l’environnement.
Laurence Ndong est présidente de Debout peuple libre et autrice de : Gabon, pourquoi j’accuse… aux éditions L’Harmattan.