Le 10 mars dernier, au lendemain de la validation de sa candidature par la Commission Nationale d’Organisation et de Coordination des Élections du Référendum, Alain Claude Bilie-By-Nze a dévoilé son programme institutionnel. Il s’engage à réformer en profondeur les institutions gabonaises en procédant à une suppression massive de certaines d’entre elles. “Nous devons faire du Gabon une économie prospère, une économie libérale et sociale au sein de l’Afrique.” À cet effet, il propose un véritable “coup de tronçonneuse” dans l’administration en supprimant notamment “les institutions qui ne servent à rien.” Parmi celles qu’il entend dissoudre figurent le Sénat, le Conseil économique et social, la Médiature de la République et plusieurs autorités administratives indépendantes.
Cette annonce a suscité une réponse directe de Brice Clotaire Oligui Nguema, qui s’exprimait le 18 mars à Port-Gentil, dans l’Ogooué-Maritime. Le président de la transition, également candidat à la présidentielle, a critiqué cette vision, estimant qu’elle allait à l’encontre des intérêts du pays et de ses institutions. “Quand il commence à vous dire, je veux suspendre le Sénat parce que je veux faire des économies. Les économies pour qui ? Moi je construis le Gabon, il n’y a pas le Sénat. Moi je construis le Gabon, je mets le pays en chantier. Je vais renvoyer quelqu’un, pourquoi il veut vous renvoyer ?”
Face aux électeurs et aux acteurs politiques locaux, Oligui Nguema a mis en garde contre les conséquences d’une telle suppression. “Donc les hommes politiques, vous voyez déjà, vous comprenez le message. Faites attention. C’est vous qui voulez qu’on augmente le nombre de sénateurs à Port-Gentil. Lui là-bas, il demande de suspendre.” Il a appelé à une prise de position claire en vue du scrutin : “Donc, vous voyez maintenant dans quel côté vous allez-vous décider le 12 avril. Sinon, vous n’aurez plus de sièges des sénateurs. Avec moi, vous auriez vos sièges. Et je veux continuer à payer les sénateurs. Ça ne m’empêche pas de construire.”
Pour financer ses projets et éviter la suppression du Sénat, Oligui Nguema mise sur d’autres sources de revenus, notamment la taxation foncière et la digitalisation. “On doit aller chercher l’argent ailleurs. Dans la digitalisation, il y a l’argent.” Il estime que la fiscalité sur l’habitat peut générer d’importantes ressources : “Dans les taxes d’habitation”, affirmant que beaucoup de Gabonais possèdent des biens immobiliers en France et y paient leurs impôts sans broncher. “Tous autant que nous sommes”, “chacun a une maison en France.” “En France, ils ne payent pas les taxes d’habitation ? Pourquoi ils enrichissent la France ? On doit mettre les choses en ordre.”
Il propose donc une taxation progressive des terrains au Gabon, en fonction de leur taille : “Si tu as un grand terrain, mon frère, paye 100 000 à la fin du mois. Tu as un petit terrain, tu payes 10 000 à la fin du mois. Tu as un plus petit terrain, on va calculer, c’est 5 000 à la fin du mois.” Selon lui, ces mesures permettraient de collecter “au moins 100 milliards” de francs CFA, une manne qui pourrait être réinjectée dans l’économie nationale.
À moins d’un mois du scrutin, la bataille électorale se joue donc aussi sur l’avenir des institutions du pays. D’un côté, Bilie-By-Nze prône une réforme radicale en supprimant des organes jugés inutiles, de l’autre, Oligui Nguema défend leur maintien en proposant d’autres solutions de financement. Les électeurs trancheront le 12 avril.