Le 4 février, aux premières heures du matin, s’est éteinte une figure marquante et controversée de la vie politique gabonaise : Louis-Gaston Mayila. Ancien président de l’Union pour la nouvelle République (UPNR), il laisse derrière lui un héritage politique fait de revirements spectaculaires et de stratégies opportunistes. Si les hommages affluent, il est essentiel de dresser un bilan lucide de son parcours sans travestir les faits.
Un survivant de la scène politique
Depuis la fin de la Conférence nationale, Louis-Gaston Mayila s’est illustré par son habileté à manœuvrer dans les arcanes du pouvoir. Toujours annoncé candidat à la présidentielle sans jamais se présenter, plusieurs fois en lice pour les législatives mais jamais élu, il a su se maintenir en haut de l’affiche grâce à une politique d’alliances et de repositionnements successifs. Ministre à plusieurs reprises entre 1976 et 2009, il a su utiliser toutes les ressources de la politique politicienne pour exister. Il est même parvenu, lors de la huitième législature (1991-1996), à constituer un groupe parlementaire sans avoir été élu.
Des luttes de positionnement plus que de conviction
Personnage aux multiples facettes, Louis-Gaston Mayila a navigué entre opposition et majorité présidentielle, intégrant tour à tour le Parti de l’unité du peuple (PUP), le Parti démocratique gabonais (PDG), avant de créer l’UPNR. Son parcours l’a également conduit à la Nouvelle alliance, à l’Union des forces du changement (UFC), au Front de l’opposition pour l’alternance et, plus récemment, à la Plateforme de groupements et partis politiques de l’opposition (PG41).
Tour à tour soutien de Pierre Mamboundou en 2009, de Jean Ping en 2016, puis d’Alternance 2023 avant d’en claquer la porte pour participer à la Concertation politique d’Ali Bongo en mars 2023, son engagement politique a souvent donné l’impression d’être guidé par des intérêts personnels plutôt que par des convictions profondes. Son soutien au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) n’a pas dérogé à cette logique, sa déclaration en faveur d’une transition « embrassant tout le monde » pouvant être perçue comme une tentative d’influence sur le pouvoir en place.
Une œuvre à analyser avec lucidité
Ministre de l’Intérieur entre 1995 et 1997, Louis-Gaston Mayila n’a pas laissé un souvenir impérissable en matière de modernisation des libertés publiques. Sous sa gouvernance, ni la loi sur les partis politiques, ni celle sur les associations, ni celle encadrant les réunions publiques n’ont connu de réformes notables. Il n’a pas non plus incarné la transparence en politique, entretenant une confusion entre politique et affaires qui lui a valu de nombreuses accusations.
S’il n’a jamais sombré dans l’excès verbal contre ses adversaires, il a avant tout œuvré pour lui-même, esquivant les responsabilités quand cela l’arrangeait. Son parcours, fait de rebondissements et d’adaptations incessantes, interroge sur l’impact réel de son action sur la vie publique gabonaise.
Un héritage contrasté
Avec la disparition de Louis-Gaston Mayila, c’est une page de l’histoire politique du Gabon qui se tourne. Mais au-delà de l’émotion et des hommages, il est nécessaire de poser un regard critique sur son œuvre. A-t-il véritablement œuvré pour une nouvelle république, comme le laissait entendre le nom de son parti ? Son action a-t-elle réellement favorisé l’avènement d’un État de droit ?
Si son endurance et sa longévité politique forcent le respect, les nouvelles générations gagneraient à tirer les leçons de son parcours. Louis-Gaston Mayila a tiré sa révérence, mais l’histoire, elle, retiendra surtout son habileté à naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique gabonaise.