Ces déclarations interviennent peu après la suspension, le 25 mars dernier, d’une grève de deux mois initiée par le Synamag en janvier 2025. Les magistrats réclamaient l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie, avec pour principal point de revendication l’adoption d’un nouveau statut particulier pour leur profession. Le syndicat avait même exigé la démission du ministre de la Justice, Paul-Marie Gonjout, qu’il accusait d’être à l’origine du blocage des négociations.
Lors de son intervention télévisée, Brice Clotaire Oligui Nguema a abordé frontalement la question des primes réclamées par les magistrats. « Dans la transition, j’ai accordé combien de postes budgétaires à la magistrature ? Ils sont venus me dire merci, ils ont applaudi et après ils se sont mis en grève. Quelle est la raison de la grève ? On me dit qu’il faut octroyer des primes à la magistrature. J’ai lu le fichier : la prime la plus basse, un million ; magistrat moyen, deux millions ; magistrat hors catégorie, trois millions ; total, 25 milliards. Où trouve-t-on cet argent pour payer les primes de 25 milliards ? Il faut que l’on se dise la vérité dans ce pays. Vous trouvez 25 milliards où est-ce pour payer ces primes ? Et vous voulez m’emmener à signer un document comme ça, je ne vais jamais le signer », a déclaré avec fermeté le président-candidat.
Oligui Nguema a ensuite suggéré une autre approche pour le financement des primes des magistrats, prenant l’exemple du Cedoc (Ndlr : CEDOC était le nom précédent de la Direction générale de la documentation et de l’immigration (DGDI), un service de renseignement intérieur.) : « En France, ailleurs, la magistrature fait rentrer de l’argent. Pourquoi ne pas fonctionner comme le Cedoc ? Faites rentrer de l’argent, vous verserez 5 % à l’État et le reste, c’est pour vous, ce sont vos primes ; c’est ce que le Cedoc fait. Il imprime les passeports, le reste, ils ont les primes, ils ont leur fonctionnement à l’intérieur. Il faut que la paresse s’arrête. On ne peut pas s’asseoir chez soi et demander à l’État de vous verser 25 milliards. Où est-ce que moi je les trouve ? Dites-moi », a-t-il ajouté, laissant entendre que les magistrats devraient contribuer davantage aux finances publiques.
Les propos du président Oligui Nguema semblent indiquer un report sine die, voire un refus catégorique, des demandes financières des magistrats, notamment en ce qui concerne les primes et potentiellement l’adoption rapide de leur statut particulier. La fermeté affichée par le chef de l’État pourrait raviver les tensions avec le Synamag après la présidentielle du 12 avril prochain, laissant planer une incertitude sur l’avenir du dialogue entre le gouvernement et le corps judiciaire gabonais et une paralysie du système judiciaire.
La question de l’amélioration des conditions de travail et du statut des magistrats reste donc un dossier épineux sur la table des futurs dirigeants du pays.
Contacté par notre rédaction, le président du Synamag, Landry Abaga Essono a fait savoir que le bureau du syndicat se réunira aujourd’hui même pour examiner attentivement les propos du candidat président Brice Clotaire Oligui Nguema et analyser les suites à donner à cette situation.