Le samedi 22 février 2025, une étape historique a été franchie dans les relations entre le Gabon et la Guinée équatoriale avec la mise en service du réseau d’interconnexion électrique entre les deux pays. En présence des présidents Brice Clotaire Oligui Nguema et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, cette initiative illustre un changement majeur dans l’équilibre des forces régionales, consacrant la Guinée équatoriale comme fournisseur d’énergie pour son voisin gabonais.
Ce projet ambitieux vise à importer 10 MW d’électricité afin d’alimenter l’ensemble de la province du Woleu-Ntem. Il sera mis en œuvre en plusieurs phases : d’abord l’alimentation de la ligne reliant les villes d’Ebe-Be-Yine et Bitam, puis la connexion entre Oyem et Medzeng, et enfin la desserte de la localité de Medouneu. Cette interconnexion, si elle répond à un impératif de sécurisation énergétique pour le Gabon, met en lumière une réalité plus complexe : celle d’une dépendance croissante à l’égard de son voisin, rendant ainsi Oligui Nguema potentiellement redevable à Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.
Une dépendance énergétique symptomatique d’une perte d’influence
Autrefois moteur économique en Afrique centrale, le Gabon semble aujourd’hui à la traîne, relégué derrière des nations naguère perçues comme moins influentes, à l’instar de la Guinée équatoriale. Ce pays, autrefois marginal, a su capitaliser sur ses ressources pétrolières et gazières pour se positionner comme un acteur énergétique incontournable, tandis que le Gabon, en proie à une gestion hasardeuse de ses ressources, voit sa marge de manœuvre se réduire.
Cette situation n’est pas sans rappeler le rapport de force entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. Comme Kigali vis-à-vis de Kinshasa, Malabo semble prendre un ascendant certain sur Libreville. L’interconnexion électrique, au-delà de sa dimension technique, traduit une dépendance nouvelle et interroge : le Gabon, qui fournissait autrefois un appui économique et politique à d’autres nations, se retrouve-t-il en position de faiblesse face à la Guinée équatoriale ?
Un leadership contesté et une légitimité divine revendiquée
Lors de cette cérémonie, le président équato-guinéen, prenant la parole en fang, a ouvertement soutenu Brice Clotaire Oligui Nguema, contestant toute remise en question de son leadership. « Comment concevoir que Dieu vous a donné un dirigeant et des gens vont se lever pour dire que nous n’acceptons pas cette personne ? » a-t-il déclaré, appelant les Gabonais à l’unité et à la reconnaissance du rôle du chef de l’État dans la transition en cours.
Cette déclaration, en plus d’un soutien politique, souligne la relation désormais asymétrique entre les deux dirigeants. Oligui Nguema, en acceptant cette dépendance énergétique, devient de fait redevable à son homologue équato-guinéen. Dans une région où le pouvoir repose sur des alliances solides et des ressources stratégiques, la question se pose : Oligui Nguema pourra-t-il préserver l’indépendance politique du Gabon face à une Guinée équatoriale de plus en plus influente ?
Une faiblesse stratégique face au litige de l’île Mbanié
Cette dépendance accrue intervient alors que le Gabon se trouve en position délicate dans le conflit frontalier qui l’oppose à la Guinée équatoriale au sujet de l’île Mbanié. En attendant la décision de la Cour internationale de justice (CIJ), Libreville apparaît en situation de faiblesse. La perte progressive de son poids économique et diplomatique pourrait impacter négativement sa capacité à défendre efficacement sa souveraineté sur cette île stratégique.
Ce basculement est d’autant plus frappant qu’à son arrivée au pouvoir, Oligui Nguema avait fait de la souveraineté un de ses chevaux de bataille. Il avait promis un Gabon fort et autonome, capable de décider de son propre avenir sans ingérence extérieure. Or, la réalité actuelle contraste avec ces ambitions initiales. Loin d’affirmer son indépendance, le Gabon semble désormais dépendre d’un voisin autrefois perçu comme moins influent, remettant en question la capacité du régime en place à maintenir cette souveraineté tant revendiquée.