Pourquoi avez-vous choisi de vous adresser directement aux militaires du CTRI dans ce message de vœux ?
J’ai choisi de m’adresser directement aux militaires du CTRI car il est crucial de leur fournir tous les éléments nécessaires pour qu’ils puissent prendre des décisions éclairées à ce moment décisif de notre histoire. Ce message de vœux est une réflexion fraternelle visant à partager une analyse approfondie des enjeux et des responsabilités qui leur incombent.
Vous insistez sur la gravité des enjeux actuels. Quels sont, selon vous, les risques principaux liés à la situation actuelle ?
Les risques sont multiples et sérieux. Le premier danger est l’établissement d’un cadre juridique incohérent et instable. Comme nous l’avons souligné dans notre déclaration, nous avons actuellement trois cadres normatifs qui se chevauchent : la Constitution de 1991, la Charte de Transition de 2023, et la Constitution de 2024 dont l’application est partielle. Cette situation crée une confusion juridique qui fragilise notre État de droit.
Le second risque majeur est la perte de crédibilité internationale du Gabon. Si nous ne respectons pas nos engagements internationaux, notamment ceux liés à la Charte africaine de la démocratie, nous nous exposons à des sanctions qui pourraient avoir des conséquences graves pour notre économie et notre population.
Vous évoquez les actions prometteuses du CTRI à ses débuts. Qu’est-ce qui, selon vous, a changé dans leur démarche ?
Au début de la transition, le CTRI s’est engagé sur des principes clairs : restaurer l’intégrité des institutions et garantir une transition démocratique transparente et inclusive. Ces engagements ont suscité l’espoir d’un véritable renouveau démocratique. Cependant, nous constatons aujourd’hui une dérive préoccupante vers des décisions unilatérales, notamment dans l’élaboration du nouveau code électoral et de la Constitution de 2024, adoptés sans véritable concertation avec les forces vives de la nation.
Vous mentionnez des dérives dans le processus électoral, notamment les exclusions fondées sur l’âge ou la nationalité. Pourquoi pensez-vous que ces mesures sont particulièrement préoccupantes ?
Ces mesures d’exclusion sont particulièrement préoccupantes car elles violent le principe fondamental d’égalité devant la loi et le droit constitutionnel de tous les citoyens à participer à la vie politique de leur pays. De plus, elles sont élaborées dans un contexte où le processus de décision est monopolisé par une seule entité, le CTRI, sans débat public ni consultation des parties prenantes. Cette approche rappelle dangereusement les pratiques du régime précédent que le CTRI prétendait corriger.
Vous soulignez que la participation d’un membre du CTRI à l’élection présidentielle serait une violation des engagements internationaux. Comment évaluez-vous les répercussions de cette décision sur la scène internationale ?
Les répercussions seraient graves et multiples. D’abord, juridiquement, une telle candidature violerait l’article 25 alinéa 4 de la Charte africaine de la démocratie, qui interdit explicitement aux auteurs de changements anticonstitutionnels de gouvernement de participer aux élections. Cette violation exposerait non seulement les candidats à des poursuites potentielles, mais risquerait également d’entraîner des sanctions de l’Union africaine et de nos partenaires internationaux.
Selon vous, pourquoi une telle candidature mettrait-elle en péril la cohésion nationale et l’avenir démocratique du Gabon ?
Une telle candidature représenterait une trahison des engagements initiaux du CTRI et compromettrait gravement la crédibilité de tout le processus de transition. Elle donnerait l’impression d’un coup d’État déguisé visant non pas à restaurer la démocratie, mais à installer un nouveau pouvoir autoritaire. Cela pourrait provoquer une profonde crise de légitimité et raviver les tensions sociales que nous cherchons précisément à apaiser.
Vous appelez les militaires à se retirer de la scène politique pour préserver leur honneur et celui de l’institution. Quels seraient, selon vous, les moyens concrets de garantir une transition réussie ?
Une transition réussie nécessite plusieurs éléments clés que nous avons détaillés dans notre déclaration publique. Premièrement, le retour à un cadre constitutionnel stable et légitime, en l’occurrence la Constitution de 1991 modifiée en 1995. Deuxièmement, une refonte complète et inclusive du cadre électoral, impliquant toutes les parties prenantes. Troisièmement, la mise en place d’un organe véritablement indépendant de gestion des élections. Et enfin, la publication d’un chronogramme détaillé et transparent de la transition.
Vous parlez de « véritables arbitres du processus électoral ». Comment pensez-vous que le CTRI pourrait restaurer la confiance des Gabonais dans ce processus ?
La restauration de la confiance passe par des actions concrètes : l’ouverture d’un dialogue inclusif avec toutes les forces vives de la nation, la transparence dans la prise de décision, et surtout le respect scrupuleux des engagements pris. Le CTRI doit comprendre que son rôle n’est pas de décider seul, mais de faciliter l’émergence d’un consensus national sur les règles du jeu démocratique.
Vous alertez sur les risques de sanctions économiques et diplomatiques. Quel impact ces sanctions pourraient-elles avoir sur l’économie gabonaise et la vie des citoyens ?
Les sanctions économiques et diplomatiques auraient des conséquences désastreuses pour notre pays. Elles pourraient affecter nos relations commerciales, nos investissements étrangers, et notre capacité à accéder aux financements internationaux. Plus concrètement, cela se traduirait par une détérioration des conditions de vie des Gabonais, une augmentation du chômage, et une instabilité sociale accrue.
Quelle serait, selon vous, la meilleure façon de rétablir la crédibilité internationale du Gabon ?
Le rétablissement de notre crédibilité internationale passe par le respect de nos engagements et l’adoption d’une démarche véritablement démocratique et inclusive. Nous devons démontrer par des actes concrets notre volonté de construire un État de droit, respectueux des standards internationaux en matière de démocratie et de bonne gouvernance.
Vous affirmez avoir accompli votre devoir patriotique en livrant cette analyse. Que diriez-vous à ceux qui pourraient percevoir votre message comme une critique directe envers le CTRI ?
Ma démarche n’est pas une critique stérile mais une contribution constructive au débat national. En tant qu’universitaire et ancien ministre, j’ai le devoir de partager mon analyse et mes préoccupations. J’ai voulu apporter aux membres du CTRI tous les éléments nécessaires pour qu’ils puissent décider en pleine conscience des implications de leurs choix. C’est là mon devoir de citoyen engagé pour l’avenir de notre pays. Il ne s’agit pas d’opposition systématique mais de vigilance citoyenne.
Enfin, quel message d’espoir adressez-vous aux Gabonais pour cette année 2025 ?
Je rappelle ces paroles de Nelson Mandela : “Que vos choix soient le reflet de vos espoirs et non de vos peurs.” Mon message aux Gabonais est celui de l’espoir et de la mobilisation citoyenne. L’année 2025 doit être celle où chaque Gabonais prend conscience de son rôle dans la construction de notre démocratie. Ensemble, mobilisés et unis, nous pouvons faire en sorte que cette transition aboutisse à l’établissement d’institutions véritablement démocratiques et à un Gabon plus juste et plus prospère pour tous.