La Haute Autorité de la Communication (HAC) a lancé une initiative louable avec son émission “1 candidat, 1 projet”, dont le principe est d’offrir une plateforme télévisée de 90 minutes à chaque candidat pour exposer et défendre son programme. Cependant, l’épisode récent mettant en lumière Alain Claude Bilie By Nze a suscité des interrogations quant à la posture et à l’approche des journalistes présents sur le plateau. Si, lors de l’émission précédente, Chaning Zenaba Gninga s’était vu reprocher par ces mêmes journalistes de ne pas avoir mis à leur disposition son projet de société, il semble qu’Alain Claude Bilie By Nze avait, lui, fourni ce document.
Dès lors, l’attente légitime était celle d’un échange approfondi sur ce projet que les journalistes étaient supposés avoir étudié en amont. Or, nous avons assisté à une série d’attaques personnelles, des “ad hominem” et des “ad personam”, qui ont détourné l’attention du fond. Il est regrettable que le projet de société du candidat n’ait pas été véritablement exploré. Le rôle des journalistes est pourtant crucial : aider la population à décrypter les propositions des candidats en posant des questions pertinentes et éclairantes, basées sur le document de référence.
Cependant, une dynamique surprenante s’est installée, donnant l’impression d’une volonté d’en découdre avec le candidat. Armstrong Agaya a particulièrement manifesté cette attitude, laissant transparaître une animosité qui semblait ancrée dans une vieille inimitié avec M. Bilie By Nze. Cette tension était palpable dans l’agressivité latente de ses questions. Lui, qui devait aborder le volet économique du projet, s’est transformé en une sorte de procureur zélé, oubliant qu’il avait face à lui un homme dont la maîtrise oratoire est indéniablement un atout majeur. Malheureusement pour lui, cette approche a valu à M. Agaya une réponse cinglante, le discréditant et le transformant en sujet de moqueries sur les réseaux sociaux.
La prestation de Larisca Laure Mamengui mérite également d’être soulignée, notamment son approche de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation proposée par le candidat Bilie By Nze. Selon la journaliste de Gabon Première, il faudrait “faire table rase du passé”, ce qui impliquerait d’oublier les exactions commises et de renoncer à toute justice pour les victimes des différentes crises post-électorales, y compris les familles des disparus de 2016. Pourtant, Mme Mamengui devrait savoir que la défiance que suscite M. Bilie By Nze chez certains Gabonais est en partie liée à cette période, notamment à ses déclarations après l’attaque du QG de campagne de Jean Ping. Ce sujet éminemment sensible exige la plus grande prudence et une empathie envers toutes les victimes.
Comme l’a si justement écrit le pape Jean-Paul II : « Il n’y a pas de paix sans justice, pas de justice sans pardon. » Malgré les divergences d’opinions, il est impératif qu’à un moment donné, les pages douloureuses de notre histoire soient examinées avec équité par la justice. C’est une étape nécessaire pour permettre à notre société de dépasser les ressentiments nés des injustices du passé, voire du présent.
Pour la suite de ce programme essentiel, nous espérons que les questions périphériques ne monopoliseront plus le temps d’antenne et que l’objectif premier de permettre aux citoyens de mieux comprendre les projets de société des candidats sera enfin atteint. Nous souhaitons également que les journalistes adoptent une posture plus neutre et professionnelle, en se gardant de toute attitude partisane qui donnerait l’impression de vouloir régler des comptes personnels avec les candidats.