Les Institutions en question, à en croire Émile Durkheim, sont un concept qui traduit l’idée de tenir ou faire tenir une chose debout en vue de la stabilité et du fonctionnement de la communauté humaine érigée en société. En autres mots, les valeurs, les structures d’organisation de cette communauté, qui sont des Institutions sont les fondements qui vont évoluer une société harmonieusement :
« Ce qui fait tenir les sociétés se sont les catégories de pensée, les formes d’organisation et de pouvoir, les langues, les croyances collectives, les habitudes ou encore les règles de conduite qui préexistent aux individus ».
Dans ce contexte, les Institutions sont toutes ces représentations et manières de penser, d’agir, de sentir que les individus produisent de façon collective pour tenir la communauté sociale et qui s’imposent à eux individuellement pour le bien du vivre ensemble.
Autrement dit, les individus qui décident de créer la communauté, la société mettent ensemble en mouvement des règles, habitudes, normes, croyances collectives qui s’élaborent en dehors » des individus isolés, dépassant les consciences prises individuellement. Ces règles, normes, croyances, etc. viennent ensuite les surplomber, comme cadres, à la fois contraignants pour les individus et structurants pour la société. L’éducation conduit les individus à apprendre à les reconnaître et à les respecter et la socialisation qui en résulte structure la société.
Pourquoi parle-t-on de Restauration ?
Lorsque les règles qui organisent la communauté sociale et politique ne sont pas observées par tous uniformément, il se crée un déséquilibre dans les rapports sociaux qui entraîne un déséquilibre des Institutions. En pareille circonstance, ce qui fait tenir la société et ce à quoi tous les individus adhèrent pour le bienêtre collectif et donc individuel décline. Les valeurs individuelles l’emportent sur les valeurs et les croyances collectives. De ce fait, les règles supposées communes et qui devaient en principe surplomber l’ensemble de la communauté sont appliquées arbitrairement par quelques-uns au détriment des autres. Les aspirations utilitaristes et individualistes qui se développent entraînent les tenants du pouvoir à se subroger aux Institutions pour tenir la société. Ils orientent les institutions, vers la satisfaction des besoins et des désirs individuels. Cette tendance est une contradiction en soi. Par essence une institution n’est pas constituée pour répondre à des intérêts privés ou individualistes. Le risque qui en a résulte est une anomie généralisée, qui a produit des citoyens désolidarisés. De fait, chacun ne pensant qu’à soi, le pays a été géré comme un éléphant qu’on dépèce : Agglutiné autour de la bête, chacun prendre ce qu’il peut prendre pour sa propre cause.
Dans la foulée du désordre qui en a résulté, les forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité de la Restauration des Institutions s’attellent donc à une réflexion, portant sur la possibilité de restauration des Institutions, l’érection d’une nouvelle Constitution, qui permettrait de maintenir la cohésion sociale. Prenant acte de l’individualisme croissant, les membres de ce Comité tentent aussi de comprendre comment des nouvelles formes de stabilisation de pensées et de conduites pourraient être intériorisées par les citoyens pour éviter qu’à l’avenir les Institutions ne soient à nouveau prises en otages par quelques-uns pour des bénéfices uniquement singuliers.
Comment vont-ils y arriver au regard de la déstructuration profonde de la société ?
Ce programme constructif a débuté par le principe d’unification de la Nation. Le CTRI a mis en place une stratégie de reconstruction sociopolitique qui consiste dans un premier temps à solidariser les Gabonais, d’abord autour des symboles : le drapeau et l’hymne nationale. Ce sont les emblèmes de la Nation. L’éducation quant au respect de ces symboles vise à intérioriser en chaque Gabonais l’idée que malgré les individualités que nous constituons, nous le sommes à partir d’un idéal de valeurs et de principes qui lient l’essor individuel à l’essor collectif ; que c’est dans la prise de conscience de cette nécessaire concorde, la félicité de tous et donc de chacun est possible. Et pour cette grande ambition, il est demandé que nous taisions momentanément ce qui nous divise. Une fois les Institutions mises en place pour la protection individuelle et collective, selon la Règle de droit collectivement construites, il sera alors possible de demander des comptes et des réparations.
Ce programme de construction est aussi mené par la restauration à minima du cadre de vie. Des travaux sont engagés un peu partout dans le pays pour restaurer et construire des routes en vue de favoriser la fluidité des communications ; des décisions sont prises pour réorganiser et améliorer le fonctionnement de l’administration. De même, des mesures économiques sont envisagées pour soulager les populations face aux contraintes du coût de la vie. Des actions fortes sont entreprises pour l’éducation et la formation scolaire.
L’ensemble de ces mesures et d’autres participent à la construction d’un ordre social solidaire et intégré. Le Général Brise OLIGUI NGUEMA avance l’idée que la révision des Institutions et des pratiques de gouvernance va œuvrer à la stabilisation des « systèmes sociaux », par l’élaboration d’institutions adéquates et par l’obtention de l’adhésion des citoyens aux valeurs dominantes.
C’est entre autres ça la Restauration des Institutions.
Dr. Joël Patient MBIAMANY N’TCHORERET
Docteur en psychologie : développement des compétences et construction de l’expertise professionnelle.
Diplômé de Sciences Po. : gestionnaire et analyste des Institutions de Gouvernance et de management.