Le Gabon, un défi pour la démocratie en Afrique
En 2023, le général Brice Oligui Nguema a pris le pouvoir au Gabon par un coup d’État, renversant Ali Bongo, qui dirigeait le pays depuis 2009 dans la continuité d’un régime dynastique. Un an plus tard, l’UA, tout en maintenant le Gabon suspendu de ses instances en raison de sa politique de tolérance zéro envers les coups d’État, a néanmoins félicité le régime militaire pour l’organisation réussie d’un référendum constitutionnel.
Cette nouvelle constitution, adoptée en décembre 2024, est présentée comme une étape vers des élections présidentielles prévues en 2025, marquant la fin de la transition militaire. Pourtant, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, n’a pas évoqué les restrictions imposées par les cadres de l’organisation interdisant aux chefs de coups d’État de se présenter aux élections de transition.
Cette omission a suscité des interrogations sur la cohérence de l’UA et son rôle en tant que gardienne des principes démocratiques. En effet, ces règles visent à garantir que les chefs militaires restent des facilitateurs impartiaux du retour à l’ordre constitutionnel, plutôt que de devenir des acteurs politiques en quête de légitimité électorale.
Une démocratie sous tension
Le général Oligui Nguema, dont la popularité semble grandissante, est pressenti pour briguer la présidence lors des prochaines élections. Avec la nouvelle constitution, il pourrait renforcer son pouvoir et consolider la transition militaire en un mandat démocratiquement légitimé. Cette perspective soulève des inquiétudes, car elle pourrait transformer un coup d’État en une continuité institutionnelle déguisée.
En revanche, l’UA n’a émis aucune critique à l’égard d’Ali Bongo, le président renversé, dont le régime autoritaire et familial avait été largement dénoncé pour ses violations des droits humains et ses dérives anti-démocratiques. Cette absence de position équilibrée renforce l’idée d’une UA incohérente dans son traitement des crises démocratiques.
Un miroir des faiblesses structurelles de l’UA
Le cas du Gabon illustre les limites de l’UA dans sa mission de protection de la démocratie. Alors que l’organisation dispose de cadres normatifs solides, tels que ceux interdisant les changements anticonstitutionnels de gouvernement, leur application reste souvent sélective et inefficace.
En 2024, plus de 20 élections ont eu lieu sur le continent, mais l’UA s’est montrée incapable de garantir leur transparence et leur équité dans des contextes de violations flagrantes des principes démocratiques. Des pays comme le Togo, où Faure Gnassingbé a modifié la constitution pour supprimer la limitation des mandats, ou encore la RDC, où Félix Tshisekedi a suggéré des changements similaires, n’ont fait l’objet d’aucune sanction ou prise de position forte.
Le Gabon, suspendu des instances de l’UA, incarne cette double contradiction : d’un côté, un rejet des coups d’État, et de l’autre, une reconnaissance implicite des processus qu’ils initient, même s’ils risquent de perpétuer des régimes autoritaires.
Un appel à la réforme
Pour relever ces défis, l’Union africaine doit impérativement renforcer sa capacité d’intervention et d’application de ses principes démocratiques. Elle doit également adopter une approche proactive pour empêcher que des transitions militaires ne deviennent des instruments de légitimation politique pour les chefs de coups d’État.
Le cas du Gabon montre également que la démocratie en Afrique ne peut se limiter à des cadres électoraux. Elle nécessite une transformation institutionnelle profonde, capable d’assurer des transitions pacifiques et équitables, tout en respectant les aspirations des populations.
À l’aube d’un changement de leadership à la Commission de l’UA en 2025, cette introspection est cruciale pour restaurer la crédibilité de l’organisation et en faire un véritable bastion de la démocratie sur le continent.
Cet article, publié sur The Conversation Africa, souligne qu’au-delà des discours, l’UA doit démontrer par ses actes qu’elle est à la hauteur de son ambition de bâtir une Afrique démocratique, pacifique et prospère.