N’allez surtout pas penser que nous faisons cause commune avec Hervé Patrick Opiangah. On dit, on l’aime, on ne l’aime pas, nous disons, on l’aime, nous, on ne l’aime surtout pas. Contrairement à la justice qui a attendu qu’il soit désormais en disgrâce avec le nouveau pouvoir de Libreville pour l’attaquer dans une affaire de mœurs, nous, au lendemain de sa nomination comme ministre des Mines, alors qu’il chuchotait à l’oreille du président de la Transition, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, notre stylo n’a pas tremblé pour dénoncer un conflit d’intérêt.
Parce que nous estimons qu’il ne pouvait pas à la fois être ministre des Mines et détenir des entreprises dans le secteur minier. Au-delà, nous pensons qu’on ne peut pas à la fois être ministre de la République et faire des affaires : deux fonctions incompatibles au nom du conflit d’intérêt.
Nous pensons qu’il y a longtemps qu’Hervé Patrick Opiangah aurait dû être, au minimum, entendu par un juge dans l’affaire de pédophilie et de viol concernant des footballeurs gabonais. Sauf que nous avons une justice aux ordres de l’exécutif, qui ne sait pas s’autosaisir, sauf quand il s’agit des plus faibles, et surtout qui obéit aux agendas politiques.
Aujourd’hui, un adolescent de quinze ans risque cinq ans de prison pour outrage au président de la Transition, le Général Oligui Nguema, le parquet s’est auto-saisi. En revanche, elle est restée muette quand Patience Dabany a insulté le locataire du palais Rénovation, le président de la Transition.
Rappelons-nous, les opérations anti-corruption, « le mamba », « le scorpion », ont jeté en prison, à tort ou à raison, sous fond d’élimination politique, des dizaines de compatriotes, dans des procès souvent biaisés avec la bénédiction d’enquêteurs et des magistrats assermentés, aux ordres de ceux qui sont aujourd’hui en prison pour les mêmes motifs, depuis le coup d’Etat du 30 août 2023.
Hier, c’étaient Séraphin Moundounga, Magloire Ngambia, Landry Amiang Washington, Bertrand Zibi Abeghe, Brice Laccruche Alihanga, Léandre Nzue.
Aujourd’hui, c’est le tour de l’épouse de l’ex-président de la République Ali Bongo, Sylvia, et leur fils Noureddin, Ian Ngoulou Cyriaque Mvourandjami, Mohamed Ali Saliou et peut-être Hervé Patrick Opiangah.
Demain, ce sera le tour de qui d’être visé par une enquête judiciaire à tort ou à raison, parce qu’en rupture avec le pouvoir ? Raymond Ndong Sima, Alexandra Barro Chambrier, Alain-Claude Bilie-By-Nze, Nicole Assélé, Jonas Moulenda et autres ?
Les soupçons de détournements de deniers publics n’ont pas cessé avec « le coup de libération », loin s’en faut ! Mais faudrait-il attendre que des personnes soupçonnées de violation de la loi soient d’abord en délicatesse avec le pouvoir, ou l’arrivée d’un nouveau régime, pour que la justice fasse son travail un jour ?
Le coup d’Etat du 30 août, c’est aussi la restauration de la justice, une justice qui n’obéit plus aux interférences politiques, et qui ne craint pas de s’auto-saisir lorsque des soupçons de délits sont constatés, même quand on est ministre ou même président de la République. Les exemples ne manquent pas. Le cas du procès de l’avocat Eric Dupond-Moretti, alors qu’il était encore ministre de la Justice, pour prises illégales d’intérêts, est un exemple parmi tant d’autres.
En somme, tant que la justice au Gabon restera marquée par des interférences politiques, et sans une indépendance réelle elle va transformer des délinquants en col-blanc en martyres, ou en victimes.